Quand Angelo Mariani aide son ami l’artiste peintre Enrique Atalaya.

atalaya ddddde   Enrique Atalaya est un peintre espagnol né en mai 1851 à Murcie. Baptisé sous le prénom de José, il adopte ensuite celui d’Enrique pour les débuts de sa carrière d’artiste. Installé à Madrid en 1869, Atalaya fréquente le musée national du Prado et s’exerce à copier légalement de nombreuses œuvres. En 1879, marié et père de deux premiers enfants (1), Enrique Atalaya quitte l’Espagne et pose ses valises à Paris au 92 rue Raynouard.

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En ce lieu en avril 2016 rien n’indiquait l’ancienne présence du peintre Atalaya.

   Il expose au Salon des Champs-Élysées dès 1882. En 1895, repéré par Angelo Mariani, ce dernier le fait entrer dans son premier cercle d’ami. En 1896, Atalaya devenu Joseph Atalaya illustre un exemplaire unique du conte écrit par Frédéric Mistral, Le secret des bestes à l’attention de Mariani. Chaque page (au nombre de 52) est enluminée avec des incrustation de pierres semi-précieuses et or appliqué en relief. La même année il apparaît dans le second tome des Albums Mariani.

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Portrait d’Atalaya, Tome 2 des Albums Mariani, 1896.

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Belle illustration de Don Quichotte face à l’Opéra de Paris. Situation à vrai dire très peu étonnante pour le choix du lieu. En effet sur la gauche du dessin se localise la rue Scribe…ou au 11 de cette voie réside un certain Angelo Mariani.

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Lettre publicitaire rédigée par Atalaya pour le tome 2 des albums Mariani.

   C’est déjà la consécration. En 1898, l’inventeur du vin tonique Mariani à la coca lui demande de nouveau d’illustrer pour le grand public et pour sa bibliothèque personnelle un conte inédit de Jules Claretie de l’Académie française.

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   Les reconnaissances s’accumulent. Dans la foulée, Enrique Atalaya est décoré Chevalier de la Légion d’honneur le 13 août 1899. Puis Angelo Mariani l’introduit par cooptation dans la société politique dite de La Marmite Républicaine (fondation en novembre 1873) où se trouve déjà entre autres Bouchor Joseph Félix, Chéret Jules, Goudeau Émile, Laissement Henry, Lauth Frédéric, Loir Luigi, Mercié Antonin, Mouchon Louis, Poilpot Théophile, Rivière Théodore, Robida Albert, Roty Oscar et les frères Uzanne.

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Ouvrage de 733 pages non mis en vente dans le commerce et imprimé à seulement  452 exemplaires en juin 1901 par Braun, Clément et Cie à Mâcon. Avec la photographie de chaque sociétaire au nombre de 260. On note surtout la présence d’Angelo Mariani dans le bureau national avec Louis Barthou, Paul Eudel et Oscar Roty.

   Toujours en 1899, il acquiert la nationalité française. Atalaya se spécialise en outre au fil des ans dans la production de petites aquarelles, peintes sur le dos de ses propres cartes de visite (9cmx14). À ce titre, il devient un membre actif de la Société française des peintres enlumineurs et miniaturistes (2). Sa production artistique est importante. (Parfois lors de vente aux enchères comme celle de juin 2013, on voit passer des œuvres réalisés par le maître qui démontrent l’importance de la relation entretenue avec Angelo Mariani. À l’image de ces trois albums composés de 213 aquarelles intitulées : Le vieux Paris.

   Toutes ces peintures furent dédicacées à Angelo Mariani en lettres d’Or et produites entre 1910 et 1911). Mariani recommande Joseph Atalaya à son ami l’Américain William Golden Mortimer pour participer à l’illustration de son célèbre ouvrage consacré à la coca. Livre qui va devenir un chef d’œuvre d’informations sur cette plante, inégalé à ce jour et paru à New-York en avril 1901 (3).

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Livre encyclopédique de 576 pages consacrées à la coca. On y trouve bien entendu le portrait d’Angelo Mariani.

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Magnifique dédicace à Angelo Mariani de la part de l’auteur.

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Exemple d’illustration réalisée par Atalaya dans l’ouvrage de Mortimer.

   Le 30 avril 1912, Atalaya fait toujours partie du premier cercle des amis d’Angelo Mariani. Il est invité parmi une centaine de convives au traditionnel déjeuner organisé par le vulgarisateur de la coca qui se déroule comme d’habitude au restaurant Ledoyen à Paris. Atalaya meurt le 26 juin 1913 à Paris. En 2003, sa ville natale de Murcie décide de lui consacrer une exposition en son honneur.                                                                A.D

(1) Quatre autres enfants par la suite verront le jour sur le territoire français. (2) Société qui n’accepte que 40 personnes maximum. Atalaya en est même le Président en mars 1902. (3) La version française paraît à Paris en 1904.

Pour plus d’informations,  Cf, le livre suivant :

livreangelomariani1.jpeg   Angelo Mariani : L’inventeur de la première boisson à la coca. Éditions Anima Corsa, juin 2014, Bastia. 5 boulevard Hyacinthe de Montera : 04 95 48 68 86.

Angelo Mariani et son ami le célèbre mime Corse d’Ajaccio Séverin Cafferra (1863-1930).

Séverin à la ville.

Séverin à la ville.

   En 1892, le mercredi 29 juin en pleine gloire Angelo Mariani décide de faire jouer chez lui au 11 rue Scribe à Paris, un pantomime intitulé : La fleur de Coca. Cette représentation théatrale a lieue, en soirée devant quelques amis triés sur le volet. Cette pièce de théâtre fut écrite en vers par MM. Paul Arène (1) et Gustave Goetchy accompagnés par une musique de Léopold Gangloff, avec des décors de Charles Toché et les costumes de Paul Donny. Elle met en scène une colombine interprétée par Mlle Madeleine Dowe et un pierrot dénommé Séverin Cafferra (2) qui vont solutionner leur problème en buvant tout simplement un petit verre de Vin Mariani.

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Portrait de Séverin en Pierrot par Félix Valloton.

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Séverin et son magnifique jeu de mains.

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Melle Dowe et Séverin chez Angelo Mariani.

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Quand Séverin boit un verre de vin Mariani.

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Quand Séverin boit directement le vin Mariani à la bouteille.

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On observe que Séverin prend bien soin de mettre en évidence la bouteille Vin Mariani et son étiquette…

severin13   Les origines de la pantomime remontent à l’antiquité. C’est à Rome qu’elle voit le jour de façon certaine, puis se répand dans toute l’Europe méditerranéenne. La pantomime est une forme d’expression corporelle par gestes seulement : mimiques, mouvements, attitudes corporelles et parfois acrobaties. Le mime français Marceau en a été l’un des plus célèbres représentants à la renommée mondiale. La pantomime est parfois accompagnée de musique. Au début du 19e siècle, Jean-Gaspard Deburau crée à Paris le personnage de Pierrot repris par son fils Jean-Charles Deburau (3) qui vers 1850, après le décès de son père en 1846, forme à Marseille Louis Rouffe. Ce dernier initie à son tour Séverin (Séverin Cafferra, né en Corse). La pantomime a la particularité d’être un art populaire créatif issu d’une certaine manière de la Commédia. Marseille devient donc ipso facto la capitale du mime. Avec la disparition de Louis Rouffe en 1885, c’est également celle de la pantomime dans cette ville. Séverin Cafferra, va ensuite connaître la gloire en exerçant son art à Paris. En 1929, il publie chez Plon ses souvenirs, L’homme blanc, Souvenirs d’un Pierrot, introduction et notes de Gustave Fréjaville où il évoque cette fameuse soirée du mercredi 29 juin 1892.

severin1   On sait que les privilégiés qui purent assister à cette unique représentation furent entre autre sa fille Andréa, son fils Jacques mais aussi Catulle Mendes, Sylvain, Melle Moreno, Madame Isabelle Chapusot, Xavier Paoli, Armand Silvestre et Paul Arène.

   À la sortie de l’ouvrage, en 1929, Gustave Fréjaville le préfacier enverra le livre avec sa carte de visite personnelle à Jacques Mariani à Neuilly-sur-Seine. Une façon élégante, à noter, de remercier à posteriori Angelo Mariani pour son aide dans sa carrière professionelle. Sur la carte de visite manuscrite de Gustave Fréjaville, était portée l’inscription suivante au tampon : « De la part de Séverin éloigné de Paris ». Le livre avec la carte de visite pris ensuite sa place dans l’immense bibliothèque familiale Mariani.

Séverin à la renommée internationale.

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Quand Séverin l’Ajaccien était tête d’affiche aux Folies Bergère.

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Source : Bibliothèque collection digitale de Washington D.C, USA.

    Angelo Mariani déclinera par la suite, une nouvelle fois cette forme de communication afin de vanter son célèbre breuvage notamment par le biais de cartes postales comme support.

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Le soldat réconforté par une bonne soeur et une bonne bouteille de vin Mariani.

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Le malade réconforté par une bonne soeur et aussi par une bonne bouteille de vin Mariani, placé en premier plan sur la table de chevet.

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Le même malade toujours réconforté par une bonne soeur et aussi par une bonne bouteille de vin Mariani, placé en premier plan sur la table de chevet. Les autres flaçons soit une concurrence possible ont disparus.

Même chose avec certaines publicités Mariani.

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Album Mariani Tome 6. Dessin d’Eugène Murer.

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Dessin de Louis Trinquier Trianon.

(1) Paul Arène a déjà écrit plusieurs pantomimes comme celui de La statue aux Édition : A. Leduc, 1889, Paris.
(2) La fleur de Coca. Pantomime joué à Paris. Il fut imprimé sous forme de livret par les Éditions Silvestre, 1892 avec 12 belles reproductions photographiques en noir et blanc de Séverin et Mlle Dowe dans les rôles de Pierrot et Colombine. C’est un beau fascicule devenu collector et considéré comme publicitaire pour le vin tonique à base de Coca d’Angelo Mariani.
(3) Charles Deburau, qui va reprendre le rôle de Pierrot, est photographié à de multiples reprises par Nadar sous la dénomination Têtes d’expressions. Ce travail sera récompensé en 1855 à l’Exposition universelle de Paris.

   Si on veut aller plus loin dans la compréhension du pantomime, on se doit de lire, nous semble-t-il, Maurice Lefèvre, « La pantomime », Revue d’art dramatique, mai 1892, p. 257-268 et Arnaud Rykner (dir.), Pantomime et théâtre du corps. Le jeu du hors-texte, Rennes, 2009, Presses Universitaires de Rennes, coll. « Le Spectaculaire ».

   Au niveau des visites pour ce blog, l’évolution est positive. En 2014, nous étions à 969 visiteurs et pour l’année 2015 qui se termine, nous sommes passés à 4 520. Soit un total approximatif de 5 500 observateurs pour une vingtaine d’articles publiés dont voici la liste ci-dessous. Espérons que 2016 connaîtra la même dynamique. Autre point en cette fin d’année 2015, nous tenons à saluer un ami Corse, ainsi que sa famille qui ont la particularité de m’avoir invité à observer sur l’île chez eux au calme leur magnifique collection privée de bouteilles Vin Mariani qui se compose non pas de quelques dizaines de récipients gravés Vin Coca Mariani et/ou Vin Mariani, les plus rares, mais de plusieurs centaines de bouteilles. Oui vous avez bien lu le terme de centaine. Merci encore à eux. En outre, il semblerait selon l’annonce récente du Président Bolivien Evo Morales (3 décembre 2015) reprise par la presse internationale qu’une équipe de scientifiques français aurait fait le déplacement à La Paz afin d’appuyer l’industrialisation de la feuille de coca dans ce pays, et ce à des fins médicinales. On attend avec impatience la publication de leur rapport et surtout leurs conclusions. Enfin, la lettre des amis d’Angelo Mariani se rapproche du 20e numéro. Il aura dans sa prochaine publication pour article central, la réelle valeur d’une bouteille Mariani, de nos jours, qui disons le tout de suite est bien loin des 250 000 euros revendiqués par quelques individus à la recherche d’une bonne affaire ?                           A.D

Liste des articles du blog consacré à Angelo Mariani :

Décembre 2015 : Angelo Mariani et son ami le célèbre mime Corse Séverin Cafferra (1863-1930).

Novembre 2015 : Roland Garros et Angelo Mariani.

Octobre 2015 : La villa Andréa de Valescure à Saint-Raphaël (Var), propriété d’Angelo Mariani.

Septembre 2015 : Angelo Mariani et ses principaux concurrents à la fin du XIXe siècle.

Juillet 2015 : Bastia et la Corse : hauts lieux de la conception de la première boisson à la coca inventée par Angelo Mariani et son père François Xavier.

Juin 2015 : Mariani (déc 1838-avril 1914) et Mistral (sep 1830-mars 1914) ou quelques éléments peu connus sur leur longue relation amicale de 1890 à 1914.

Avril 2015 : Quelques vues des Établissements Mariani à Neuilly-sur-Seine (France) au XIXe, XXe et XXIe siècle.

Mars 2015 : Divers portraits d’Angelo Mariani le propagateur de la coca et quelques belles images issues de ses suppléments illustrés à la gloire de son célèbre breuvage.

Février 2015 : Mais qui était donc en réalité Angelo Mariani pour la famille d’Albert Robida ? (II) suite.

Janvier 2015 : Angelo Mariani et la coca dans les pas d’Albert Robida (I).

Décembre 2014 : Angelo Mariani et les Présidents de la IIIe République française.

Novembre 2014 : Mariani et la publicité en France et dans le monde.

Octobre 2014 : Julius Jaros : un homme discret et efficace ou l’ombre américaine d’Angelo Mariani.

Septembre 2014 : Louis Oscar Roty.

Août 2014 : Isabelle Chapusot.

Juin 2014 : Xavier Paoli.

Mai 2014 : Présentation des principaux personnages amis d’Angelo Mariani présents lors de l’inauguration de la fontaine la Siagnole en février 1905.

Avril 2014 : Une brève histoire de la Fontaine dite la Siagnole à Valescure commune de Saint-Raphaël (Var).

   Profitons enfin de cette occasion pour mettre en ligne la liste des articles version papier de la lettre de la Saam (Société des Amis d’Angelo Mariani) consacrés à Angelo Mariani et ce depuis juin 2004.

Octobre 2015, n°19 : Les premiers concurrents au XIXe siècle du vin Mariani.

Février 2015, n°18 : Plusieurs portraits d’Angelo Mariani.

Octobre 2014, n°17 : Isabelle Chapusot.

Février 2014, n°16 : Ferdinand Roybet et Angelo Mariani.

Octobre 2013, n°15 : Les formes peu académiques parfois de la publicité Mariani.

Mars 2013, n°14 : Une rencontre avec l’Ambassadeur de l’État plurinational de Bolivie en France.

Novembre 2012, n°13 : Une photographie encore quelque peu mystérieuse.

Octobre 2011, n°12 : L’érotisme dans l’œuvre d’Angelo Mariani. (2eme partie).

Décembre 2010, n°11 : L’érotisme dans l’œuvre d’Angelo Mariani. (1er partie).

Janvier 2010, n°10 : Un portrait d’Angelo Mariani par Carolus Duran.

Juillet 2009, n°9 : L’histoire mouvementée de la fontaine dite de la Siagnole à Valescure, Saint-Raphaël, Var. (2eme partie).

Décembre 2008, n°8 : L’histoire mouvementée de la fontaine dite de la Siagnole à Valescure, Saint-Raphaël, Var. (1er partie).

Février 2008, n°7 : Les suppléments illustrés des figurines contemporaines par Pierre Julien. (2eme partie).

Juillet 2007, n°6 : Les suppléments illustrés des figurines contemporaines par Pierre Julien. (1er partie).

Octobre 2006, n°5 : Horace Mariani et la Normandie.

Janvier 2006, n°4 : L’église catholique, les Papes et Angelo Mariani.

Septembre 2005, n°3 : Angelo Mariani et les cartes postales.

Décembre 2004, n°2 : Angelo Mariani et la Bretagne.

Juin 2004, n°1 : Angelo Mariani, une association culturelle et une lettre d’information ; la Saam (Société des Amis d’Angelo Mariani).                           A.D

Pour plus d’informations,  Cf, les livres suivants :

livreangelomariani1.jpeg   Angelo Mariani : L’inventeur de la première boisson à la coca. Éditions Anima Corsa juin 2014 Bastia. 5 boulevard Hyacinthe de Montera : 04 95 48 68 86. Et aussi sur le site Amazon.fr. Sans oublier : Cocaïne histoire mondiale d’une drogue aux Presses Universitaires de Corse, Éditions Anima Corsa, mars 2015 ou dans lequel un chapitre est consacré à Angelo Mariani.

Cocaïne histoire mondiale d'une drogue aux Presses Universitaires de Corse, Éditions Anima Corsa, mars 2015.

Roland Garros et Angelo Mariani.

   Angelo Mariani, on le sait, a beaucoup impacté d’un point de vue patrimonial les communes de Saint Raphaël et Fréjus dans le Var.

Publicité pour le célèbre Vin Tonique Mariani.

Publicité pour le célèbre Vin Tonique Mariani.

   Il est notamment l’initiateur discret d’une stèle commémorative pour le célèbre aviateur patriote Roland Garros en hommage à la première traversée réussie vers la Tunisie en Afrique, le mardi 23 septembre 1913. (Près de 800 kilomètres notamment en passant sur la partie occidentale de la Corse, au large d’Ajaccio) (1). Mariani est conscient que d’un point de vue politique, on vient d’assister à la première liaison intercontinentale de l’histoire, en matière d’aviation.

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Roland Garros. Source : Journal  L’Illustration n° 3683 du 27 septembre 1913 p 227.

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Dr : BNF.

Dr : Collection privée de M. Michel Roudillaud.

Dr : Collection privée de M. Michel Roudillaud.

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Roland Garros. Source : Journal L’Illustration n° 3684 du 4 octobre 1913 p 262.

   En effet au lendemain de ce vol historique, Angelo Mariani, qui est surtout un inconditionnel et ami de nombreux pionnier(e)s de l’aviation (En premier lieu, Alberto Santos Dumont dès 1901, Jules Védrines, Maurice Tabuteau qui fut détenteur de la durée de déplacement d’un avion en 1910, Louis Blériot qui a franchi la Manche le 25 juillet 1909, André Beaumont pseudonyme de Jean Louis Conneau membre de sa famille, Marcel Brindejonc des Moulinais, Jeanne Herveux, la baronne Raymonde de la Roche en réalité Élise Deroche, première aviatrice brevetée au monde, Maurice Farman, Louis Paulhan, Paul Tissandier, Géo Chavez et Alfred Leblanc) décide comme à son habitude (c.f la fontaine de la Sagniole à Saint-Raphaël en février 1905, le monument à la gloire du poète Armand Silvestre placé sur le Cours-la-Reine en octobre 1906 à Paris, sans oublier la statue de Frédéric Mistral à Arles en mai 1909, entre autres exemples) d’ériger un monument sur le lieu de départ de cette magnifique aventure.

Alberto Santos Dumont, Album Mariani, Tome VII.

Alberto Santos Dumont, Album Mariani, Tome VII (1902).

Louis Blériot

Louis Blériot, Album Mariani, tome XII (1910).

La baronne de la Roche.

La baronne Raymonde de La Roche. Supplément illustré, 16e série, Décembre 1911, Album Mariani.

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CPA publicitaire issue des Albums Mariani.

   En réalité, le lieu retenu sera devant l’entrée du premier aérodrome naval de France. Pour cela, il lance sans état d’âme une souscription publique et sera d’entrée l’un des plus généreux donateurs. Du début à la fin. Parmi les premiers souscripteurs, on trouve Xavier Paoli son cousin, Léon Schuster, Rolland Calvet, Georges Berget, Silvy, Ducret, Grandclément, N. Henesy, L. Brunot, le peintre Carolus Duran, Henri Falguette, Peguet et Pascal. Angelo Mariani a, en outre, déjà décidé du lieu où sera installée l’œuvre consacrée à cet aviateur hors du commun. Soit à Fréjus, à l’endroit même selon les souhaits de Mariani où Roland Garros s’est envolé. Il décide, de plus, que ce soit son ami l’académicien et poète Jean Aicard qui fasse l’éloge de l’aviateur et de son exploit le jour de l’inauguration. Pour cela, il crée un comité sobrement intitulé : Roland Garros.

   Pour être certain du résultat, il sollicite un proche, le sculpteur et graveur Louis Patriarche natif de Bastia, afin de produire un bronze encastré dans une roche de la région (méthode d’ailleurs identique à sa villa Andréa) comprenant quelques vers du poète Jean Aicard. Ce qui fut fait. On peut de nos jours encore observer le dessin préparatoire exécuté par Patriarche sous la forme d’un cliché photographique établi par un autre ami Corse d’Angelo Mariani, le photographe François Vizzavona. Ce magnifique document se trouve à Paris dans les archives de l’agence photo RMN-Grand Palais, fond Druet-Vizzavona. On n’oublie pas d’ajouter un buste réalisé par Étienne Forestier.

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L’Aérophile, 1er décembre 1925, p 354.

   Le 19 avril 1914 en présence d’une foule imposante et de nombreux officiels, le maire de Saint-Raphaël Léon Basso offre symboliquement le monument à la ville de Fréjus et à son premier mandataire. Sous les airs musicaux bons enfants d’une fanfare militaire, le voile est enlevé par la marraine du mausolée, la grande duchesse de Mecklenbourg-Schverin. Lors de cette belle journée ensoleillée, il manque cependant une personne pour que la fête soit complète. Ce n’est pas Roland Garros, qui arrive avec son amie Marcelle George, en plein milieu de la cérémonie. C’est Angelo Mariani lui-même. Ce dernier a une bonne excuse. Il vient de passer sur l’autre rive moins de trois semaines plus tôt à Valescure…

L'inauguration. Dr BNF.

L’inauguration. Dr BNF.

Jean Aicard prononçant l'éloge de Roland Garros à travers son exploit aéronautique.

Jean Aicard prononçant l’éloge de Roland Garros à travers son exploit aéronautique. Dr BNF.

Carte postale avec le monument Roland Garros.

Carte postale avec le monument Roland Garros en premier plan et derrière les baraquements de la base aéronavale.

En arrière plan de la stèle en hommage à Roland Garros, on remarque l'actuel boulevard de la Mer, commune de Fréjus.

En arrière plan de la stèle en hommage à Roland Garros, on remarque l’actuel boulevard de la Mer, commune de Fréjus.

  Le dimanche 24 septembre 1922, la municipalité de Fréjus selon la presse de l’époque « fête dignement le 9e anniversaire avec un monument magnifiquement décoré ». En 1933, pour la vingtième commémoration, le groupement de l’aéro-club de France fit placer une palme de bronze au pied de la stèle portant l’inscription :  « A Roland Garros » en présence notamment des maires de Fréjus M. Fabre et de Saint-Raphaël, M. Bruère.

Une stèle historique à Fréjus au parcours pour le moins étonnant.

   Ce monument décidé par Angelo Mariani à la gloire de Roland Garros va ensuite connaître bien des vicissitudes. Notamment des déplacements, des composants « volatilisés » et des « modifications » en tout genre. Arrêtons-nous un instant sur cet objet culturel. Il se compose alors pour l’essentiel de cinq éléments.

Croquis de la stèle dans les années trente.

Croquis de la stèle dans les années trente.

   À son sommet, le buste de Roland Garros produit par Étienne Forestier. Ensuite le bronze de Patriarche. Ce dernier est placé sur un bloc d’Esterellite dit aussi porphyre bleu de l’Esterel sorte de roche dure comme le granite et issu d’une carrière proche. À cela s’ajoute à la base de l’œuvre un petit bronze avec l’inscription suivante voulue par Angelo Mariani : La ville de Saint-Raphaël à la ville de Fréjus. Enfin, un socle conséquent d’une dizaine de centimètres de hauteur. Après la Grande Guerre, la stèle en l’état est à chaque 11 novembre honorée par les riverains. Personne n’oublie en effet que Roland Garros est tombé au champ d’honneur, le 5 octobre 1918. Puis les années passent. Lors du Second conflit mondial et l’occupation du département du Var par les armées allemandes, le monument n’est pas inquiété. Même chose, semble-t-il, avec la tragédie de Malpasset en décembre 1959 qui provoqua la mort de 423 personnes. La base aéronavale de Fréjus, qui se trouvait sur le trajet de la vague de 40 mètres de hauteur, avait été à plus de soixante-quinze pour cent détruite.

   En 1986, une enquête dans le cadre d’un inventaire général du patrimoine culturel pour la région Provence-Alpes-Côte d’Azur sous la référence IA83000667 constate toujours l’existence du buste d’Étienne Forestier et du bronze de Patriarche. Le second petit bronze n’est, par contre, pas mentionné, ni même la palme. En réalité, ils ont déjà disparu. À contrario une nouvelle plaque en marbre est apparue. Elle correspond au souvenir de l’Union des Évadés de guerre dont Roland Garros fut le cofondateur.

Plaque en marbre placée par l'Union Nationale des Evadés de Guerre.

Plaque en marbre placée par l’Union Nationale des Evadés de Guerre.

   En 2003, un colloque et une exposition sont organisés pour le 90e anniversaire de la traversée de la Méditerranée à Fréjus. Le monument est légèrement modifié.

plexiglassgarros   Un support en plexiglas apparaît en lieu et place du bronze de Patriarche qui n’est plus présent avec un texte qui comporte une anomalie typographique : Fréjus est écrit en minuscule et Bizerte en lettres capitales. On remarque aussi une iconographie qui interroge ? L’avion représenté est-il bien un Morane-Saulnier ? Une publication en l’occurrence les actes de cette manifestation culturelle intitulée : Roland Garros, n°15 doit ensuite voire le jour par le biais de la Société d’Histoire de Fréjus et de sa région. Mais ce document pour des raisons techniques ne fut jamais imprimé. On profita malgré tout de cette commémoration pour déplacer la stèle. Elle quitta l’entrée de la base aéronavale et rejoignit la plage au bout du boulevard de la Mer toujours à Fréjus face à la Méditerranée. (Par cette action, on exauçait du même coup et peut-être sans le savoir le vœu initial d’Angelo Mariani !).

   Autre élément intéressant le 12 octobre 2008 à Paris et plus précisément à l’Hôtel Marcel Dassault, 7 rond-point des Champs-Élysées à Paris eut lieu une vente aux enchères sous l’autorité du Commissaire-priseur Monsieur Hervé Poulain concernant à la fois des lettres et manuscrits de Jean Mermoz et une collection de Monsieur A et à divers.

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Dr : Artcurial.

   Le lot 298 est présenté ainsi : 1ere traversée de la Méditerranée le 23 septembre 1913 : Roland Garros sur Morane-Saulnier. Plaque en bronze du sculpteur L.Patriarche 46,5 X 58,5cm. Avec un poème de Jean Aicard inscrit sur la plaque : « Seul le 23 septembre en l’an 1913, Garros en monoplan sans flotteurs, prit essor dans ce golfe, et, courrier de l’audace française, en 7 heures par un matin d’azur et d’or, survolant le premier la vaste mer déserte, il alla se poser d’un bond sur Bizerte ». Estimation 5 000 – 6 000 € . Vendu 5 700 €.

   De toute évidence, ce lot doit être une copie de l’original réalisé par l’artiste en 1914.

   En janvier 2010, le quotidien Var-Matin publie un article fort passionnant intitulé : Fréjus : Ces statues au gré du temps. On y apprend par la voix de Philippe Cantarel, guide conférencier de la ville que cette pièce en hommage à Roland Garros est la plus célèbre de la commune. On peut aussi constater par le biais de la photographie réalisée par Philippe Arnassan, afin d’illustrer le propos du journaliste E.D, que le bronze de départ signé par Patriarche a bien été remplacé par un autre bronze quelconque.

On peut apprécier la finition de la mise en place.

On peut apprécier la finition de la mise en place…

   Et qui comporte la même bizarrerie typographique que sur le plexiglas : là aussi le nom de la ville de Fréjus est inscrit en minuscule et celui de Bizerte en lettres capitales. On remarque aussi que le buste de Garros au niveau de l’arcade sourcilière gauche est maintenant abîmé, tout comme la narine droite et l’œil droit de Roland Garros. Et même le bord de sa casquette droite…

DSCF4549   En novembre 2015, ce qui reste de la statue voulue par Angelo Mariani en hommage à Roland Garros pour son exploit aéronautique à la face du monde, s’enfonce quelque peu dans l’oubli et dans les sables de cette belle plage de Fréjus, ville d’art et d’Histoire. Tout en regardant, fière et stoïque, la Méditerranée, la Tunisie et la Corse…jusqu’à quand ?                                                                                           A.D

(1) Mercredi 24 septembre 1913, L’Aurore, en première page de ce quotidien, article intitulé : La conquête de l’air. Garros traverse la Méditerranée.

   J’ai le plaisir pour l’aide apporter dans la réalisation de ce texte, de remercier Mme Saliha Ollivier, spécialiste de l’histoire de Roland Garros en général et de sa traversée vers Bizerte en particulier, M. Michel Roudillaud, historien des communes de Saint-Raphaël et de Vidauban, sans oublier Mme Julie Mariotti, attachée de conservation au service archéologique de la commune de Fréjus. Il en va de même avec Mme Brigitte Auloy, Adjointe au Maire, déléguée au patrimoine, à l’Animation, à la culture et au tourisme et M. le Sénateur du Var, Maire de Fréjus, M. David Rachline.

Roland Garros face à la Mediterranée.

Roland Garros face à la Méditerranée.

Pour plus d’informations,  Cf, les livres suivants :

livreangelomariani1.jpeg   Angelo Mariani : L’inventeur de la première boisson à la coca. Éditions Anima Corsa juin 2014 Bastia. 5 boulevard Hyacinthe de Montera. Christophe Canioni : 04 95 48 68 86. Et aussi sur le site Amazon.fr. Sans oublier : Cocaïne histoire mondiale d’une drogue aux Presses Universitaires de Corse, Éditions Anima Corsa, mars 2015 ou dans lequel un chapitre est consacré à Angelo Mariani.

Cocaïne histoire mondiale d'une drogue aux Presses Universitaires de Corse, Éditions Anima Corsa, mars 2015.