Chaque mercredi matin depuis de nombreuses décennies, nous nous octroyons un vrai plaisir : décortiquer Le Canard Enchaîné, dans le bon sens du terme. Ainsi, le 16 août 2017, il en fût de même. À la 2e page de ce journal, notre regard fut attiré par ce titre : Ces députés trop sobres pour être honnêtes.
Bigre. Au Palais Bourbon, les nouveaux arrivants de la XVe législature seraient donc trop sobres pour être honnêtes. En parcourant l’article, on comprend très vite selon les confidences d’un serveur de la buvette de l’Assemblée Nationale que les député(e)s nouvellement élu(e)s préfèrent consommer notamment du coca plus tôt que du vin, en ce lieu.
Étonnant constat. Comme quoi, les temps changent. Car tout d’abord qui se rappelle que le 28 février 1950, un parlementaire communiste le dénommé Jean Llante au nom de son parti lors d’une question au gouvernement de l’époque souhaitait l’interdiction totale de la commercialisation du Coca-Cola en France ? La représentation nationale suivit sa demande et donnait son accord à l’exécutif. Qu’il l’accepta. La réaction de la part de Coca-Cola ne se fit pas entendre. Moins de trois mois plus tard, en juin de la même année, le projet de bloquer la distribution en France du breuvage américain avait disparu dans l’agenda parlementaire.
Dans un second temps, on peut aussi se remémorer, un autre élément clé de notre histoire. C’est celui de l’abbé Félix Kir (1876-1968), né à Alise Sainte-Reine (Côte-d’Or) qui fut ordonné prêtre en 1901, puis chanoine en 1931 et enfin député en 1945. En 1950, il impose à la buvette nationale sa boisson préférée : un blanc cassis, dit le kir. En 1962, ce blanc cassis sera même servi par ses soins lors de sa première rencontre avec le président Nikita Khrouchtchev, le 17 mai 1960 à Paris. Puis ensuite à Moscou.
En réalité notre abbé-député Kir, c’était semble-t-il inspiré d’un épisode très peu connu du vin Mariani à la coca. Cette boisson fut en effet elle aussi proposée de nombreuses années à la buvette de l’Assemblée Nationale. D’ailleurs son instigateur Angelo Mariani en était si fière qu’il s’en servit comme publicité dans la revue La Vie Parisienne en mars 1882 en ces termes :
Passant, arrête-toi et fais un pèlerinage de santé à la Buvette du Vin Mariani, le plus puissant des toniques, le régénérateur par excellence.
Aux malades, la santé
Aux convalescents, la force
Aux biens portants, la préservation de la décadence.
Aux gourmets, le plaisir sans danger.
Aux orateurs de la buvette de la Chambre des députés, dont le vin Mariani est la boisson favorite, la voix pleine et sonore à la tribune.
Parmi les députés qui affichèrent, sans sauf pudeur, leur amour pour le vin Mariani à la coca, on peut citer : Cuneo d’Ornano Gustave, Hugues Clovis, Reinach Joseph, l’Abbé Gayraud Hippolyte, Bonvalot Gabriel, De Dion Jules-Albert, L’abbé Lemire Jules-Auguste, Deschamps Gaston, Leygues Georges, De Rohan Alain, Herriot Édouard, Fonck René.
Dans cet écrit, le député Beauregard fait il allusion à la buvette du Sénat et/ou celle des journalistes ? Nul ne le sait à ce jour.
Sans oublier Fernand Bouisson, Président de la Chambre des députés en 1927. Son témoignage ci-dessous apparaît la même année dans un supplément des Albums Mariani n° 25 encarté dans le quotidien La Liberté du Sud-Ouest : « Présider une séance de la Chambre de 9 h du matin au lendemain 9 h du matin, c’est évidemment un record. Si j’ai pu établir ce record, c’est grâce au vin Mariani ! ». Alain Delpirou.