Bastia et la Corse : hauts lieux de la conception de la première boisson à la coca inventée par Angelo Mariani et son père François Xavier.

Vue générale du village de Pero-casevecchie.

Vue générale du village de Pero-Casevecchie.

Tout commence à Pero-Casevecchie.

  La mère d’Angelo Mariani, née Sophie Sébastiani le 21 août 1821 à La Porta (Haute-Corse), épouse le 21 septembre 1837, François Xavier Mariani, originaire de Pruno (Haute-Corse), ayant vu quant à lui le jour, le 29 décembre 1810.

La Porta et la maison de la famille Conneau parente de celle des Sébastiani.

La Porta et la maison de la famille Conneau parente de celle des Sébastiani.

   Propriétaires, ils se sont installés à Pero-Casevecchie, à trente kilomètres au sud de Bastia dans une zone géographique dénommée la Tavagna. Le couple y mène une vie sans histoire.

   François Xavier Mariani exerce la fonction d’apothicaire dans ce paisible bourg de 520 âmes. La qualité de son travail est d’emblée reconnue par toute la population. À tel point qu’on vient parfois de loin pour rencontrer ce pharmacien très attentif envers ses patients. Ange-François Mariani, premier fils de la famille, né le 17 décembre 1838 a pour cousin Xavier Paoli*.

Bastia : boulevard du Palais.

   La renommée professionnelle de François Xavier Mariani dépasse très vite les limites de son village. On le demande avec insistance à Bastia. La famille Mariani s’y installe tout d’abord en 1842 puis de façon définitive en mars 1847 dans cette cité de 16 000 habitants, au boulevard du Palais devenu au début du XXe siècle, Boulevard Paoli artère centrale de la plus grande ville de Corse.

Début du Boulevard du Palais à Bastia.

Début du Boulevard du Palais à Bastia au XIXe siècle.

   En ce lieu, François Xavier Mariani initie son fils Ange François dès 1855 aux secrets de la pharmacie et surtout aux élixirs à base de végétaux. Dans l’arrière-boutique se trouve un local ou ensemble, ils composent des breuvages à base de diverses plantes. (Cette pharmacie existe toujours et elle est l’une des plus anciennes de Bastia pour ne pas dire de Corse. Elle est tenue depuis plus d’un siècle maintenant par une autre grande famille de pharmaciens : les Dussol).

Cette pharmacie qui portera le nom de Croix rouge se trouve à l'angle du Boulevard du Palais et la rue

Au XIXe siècle, cette pharmacie qui portera un temps le nom de Croix rouge se trouve à l’angle du Boulevard du Palais et la rue Salvator Vialle.

De nos jours.

De nos jours.

Bastia pharmaciea

Quand le boulevard du Palais devient Boulevard Paoli.

   Ange François est dès lors comme attiré par cette science et par les livres qui véhiculent ce savoir. Selon la tradition familiale, Ange-François Mariani est un autodidacte. il se passionne pour la pharmacologie par le biais de deux plantes peu communes à l’époque : le quinquina et l’érythroxylum coca. Plusieurs ébauches de boissons médicinales ont lieu dans l’officine du boulevard du Palais. Angelo Mariani et son père rêvent d’inventer un remède miracle à partir de ces deux végétaux additionnés à du vin corse. Grâce à leurs contacts avec l’Italie et Gênes, (cette ville chose rare possède toujours en 2015 dans son jardin botanique plusieurs plants de coca), les Mariani arrivent à obtenir ces matières premières tant recherchées. Bastia est en outre ne l’oublions à cette époque la principale zone d’entrée et de sortir de toute marchandise pour l’île. En 1870, nous savons suite aux travaux de l’historien Vincent Armendares que Xavier Mariani exerce toujours à Bastia selon l’almanach général de Médecine et de pharmacie et l’Annuaire médical et pharmaceutique de la France. C’est aussi en ce lieu que François Xavier Mariani, après une longue vie de labeur afin de soigner ses patients et sans aucune exclusive, s’éteint dans les années 1880.

Pot ancien du XIXe siècle de pharmacie en verre soufflé contenant des feuilles de coca.

Pot ancien du XIXe siècle de pharmacie en verre soufflé contenant des feuilles de coca.

   De son côté, le célèbre docteur et neurologue italien Mantegazza Paolo, étudie lui aussi la coca. Il a déjà publie en 1857 un article favorable à cette plante : Importance diététique et médicale de la Coca, dans le journal argentin : El Commercio, à Salta. De retour en Italie, via Gênes en 1858, il rédige à Milan un opuscule intitulé : Sur les vertus hygiéniques et médicinales de la coca et sur les aliments nerveux en général qu’il publie dans les Annales de Médecine, Université de Milan, volume XXI, pp 449-519, 1859.Ce texte fait l’apologie de la coca en ces termes : « Je préfère vivre 10 ans avec que 100 ans sans ».

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Paolo Mantegazza ou l’un des premiers grands scientifiques européens concernant la coca.

   On sait que dans le même temps, Mariani et fils à Bastia sont systématiquement à l’affût de toute nouveauté pharmaceutique. La langue italienne n’étant pas un obstacle, il est fort probable qu’ils aient pu s’inspirer en outre des études de Paolo Mantegazza.

Angelo Mariani et Paris.

   En ce qui concerne Angelo Mariani, il est donc l’aîné et quitte la Corse en 1862. Emportant avec lui les nombreuses recettes concoctées en compagnie de son père. On le retrouve à Bois-Colombes en qualité d’élève pharmacien.

L'arrivée du train à Bois-Colombes durant la seconde moitié du XIXe siècle.

L’arrivée du train à Bois-Colombes durant la seconde moitié du XIXe siècle.

   En 1867, avec l’aide de Pierre Charles Henri Fauvel, il initie plusieurs essais de vulgarisation de préparations de coca notamment dans la pharmacie Chantrel rue de Clichy à Paris (selon l’américain William H  Helfand, le plus grand spécialiste reconnu d’Angelo Mariani in sa communication du 19 janvier 1979 présenté au Yale Medical Library et intitulé : Vin Mariani). Il déménage ensuite rue Vaneau et travaille à la pharmacie Mondet (spécialisée dans la création d’élixirs à base de plantes) au coin de la rue Bellechasse et de la rue du Faubourg St-Germain à Paris.

Rue Vaneau à Paris au XIXe siècle.

Rue Vaneau à Paris au XIXe siècle.

   Il modifie aussi son prénom afin de se protéger du racisme anti-corse présent à Paris. Dans le même temps, son père publie sous la responsabilité d’Angelo la première étude sur le quinquina : Mariani, Angelo, Notice sur le quinquina, Maillard et Bossuet, Paris, 1870. Selon l’historien Vincent Armendares, sur ce document est escamoté par des points de suspension le vocable Pharmacien de Bastia.

   Angelo Mariani fonde dans la foulée à Paris une famille en août 1870. Avec son épouse, Marie Anne Philiberte, ils auront plusieurs enfants. En 1871 : Ange-François devient officiellement pharmacien de 1er rang. En 1872, Angelo Mariani et son épouse mettent sur le marché deux boissons de 50 centilitres qui contient l’équivalent de 6 mg cocaïne par bouteille de vin et de 7.2 mg de cocaïne pour l’exportation afin de résister à la concurrence de produits identiques aux États-Unis. Il publie sa première étude sur la coca : Mariani, Angelo, La Coca du Pérou, Revue de thérapeutique médico-chirurgicales, 148-152, Paris. À ce stade notre propos, il nous paraît opportun de rappeler l’anecdote parue dans le premier bulletin de la Saam (Société des Amis d’Angelo Mariani) en juin 2004 : «  Le 7 avril 2004, suite à un incident technique à la BNF, nous n’avons pas pu obtenir le microfilm du document suivant : 8°Te 151.1252, intitulé ; « Notices sur le quinquina Mariani », Paris, Maillard-Bossuet (1870). In-16, 15 p. On nous a alors proposé fort aimablement le document original à condition qu’il soit manié avec précaution. Et quel n’a pas été notre étonnement ! Dans ledit document, en effet, se trouvait un second document, une petite notice en espagnol (un peu abîmée) édité par l’imprimerie de Ch. Lahure, 9 rue de Fleurus Paris et intitulé : Extracto Mariani Hidro-alcoolico de Quina. Ce document n’a jamais été référencé ni même recensé dans les textes analysés depuis une vingtaine d’années se rapportant aux œuvres d’Angelo Mariani. C’est donc d’Angelo Mariani un document original (et, chose rare, en espagnol) qui dormait à l’abri à l’intérieur d’un autre document ».

1875 : Angelo Mariani et sa rencontre avec le monde.

   La réussite est au rendez-vous. Le vin Mariani inonde le monde. Mariani ouvre ses bureaux et un lieu de fabrication au 10-12, rue de Chartres à Neuilly-sur-Seine. À cela s’accompagne de grands entrepôts et autres caves sous la responsabilité d’ouvriers et de contremaîtres, tous originaire de Corse et plus particulièrement de son village natal. Son entreprise est enregistrée sous l’appellation de marchand de produits pharmaceutiques. Il ouvre sa propre pharmacie au 41 Bd Haussmann. C’est aussi la naissance de son fils : Jacques né le 4 octobre à Paris. Il publie notamment une étude scientifique : Mariani, Angelo, La Coca du Pérou, Monde Pharmaceutique, vol 4, Paris, 1875 qui s’accompagne d’un premier grand texte à la gloire du vin Mariani.

L'exposition internationale de 1875 à Paris.

L’exposition internationale de 1875 à Paris.

Dès 1875, les produits Mariani à la coca sont mis en valeur à l'exposition internationale de paris.

Dès 1875, les produits Mariani à la coca sont mis en valeur à l’exposition internationale de paris.

   Ensuite Mariani Angelo, poursuit ses études avec la publication de La Coca du Pérou : Botanique historique, thérapeutique, édité dans la capitale en 1878. Et c’est ainsi que pendant plus de 50 ans le vin Mariani va être une réussite commerciale mondiale. Ce n’est qu’en 1879 que le pharmacien américain Pemberton crée la J.S Pemberton & Company à Atlanta.

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L’une des étiquettes apposées sur les toutes premières boissons de Pemberton en 1885. Ce dernier ne cache d’ailleurs pas qu’il s’inspire du vin Mariani en précisant que son produit est :  » une meilleure préparation à celle de Mariani ».

Illustration issue du livre de Bénédicte Jourgeaud intitulé : Coca Cola une passion française paru en 2010 aux Editions du Cherche Midi.

Illustration issue du livre de Bénédicte Jourgeaud intitulé : Coca Cola une passion française paru en 2010 aux Editions du Cherche Midi.

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Quand la coca et le vin faisaient bon ménage dans les produits de Pemberton.

A.D

Xavier Paoli.

   Omniprésent dans l’entourage d’Angelo Mariani, Xavier Paoli est un policier hors du commun. Il le protège de toutes les tracasseries administratives et prend sa retraite en avril 1909, à l’âge de 74 ans. Libéré de son obligation de réserve, il rédige sa biographie professionnelle sous la forme d’un livre intitulé : Leurs Majestés paru en 1912 à Paris, Librairie Ollendorff (ce document a été réédité en 1999 à l’identique par les Éditions Atlantica à Biarritz). Libre de toute parole après la disparition prématurée de son fils, qui fut secrétaire général de la préfecture de police de la capitale, Xavier Paoli lâche quelques confidences sur ses origines. Le Tout-Paris apprend qu’il n’est autre que l’un des descendants de Giacintu Paoli père du Général Pascal Paoli, (ou Pasquale de Paoli), le Corse des Lumières, dit le père de la nation entre 1755 à 1769. La Corse étant pour cette période historique considérée comme le premier état démocratique européen. Son fondateur écrivait : « L’égalité ne doit pas être un vain mot ». Avec les familles Conneau, Sébastiani, Colombani, Pompéi, Léonetti et Polidori, Xavier Paoli contribua, jusqu’à sa disparition en 1923 à Asnières (Hauts-de-Seine) à la réussite commerciale des produits Mariani.                                                                                                                     A.D

Pour plus d’informations,  Cf, les livres suivants :

livreangelomariani1.jpeg   Angelo Mariani : L’inventeur de la première boisson à la coca. Éditions Anima Corsa juin 2014 Bastia. 5 boulevard Hyacinthe de Montera. Christophe Canioni : 04 95 31 37 02. Et aussi sur le site Amazon.fr

   Sans oublier : Cocaïne histoire mondiale d’une drogue aux Presses Universitaires de Corse, Éditions Anima Corsa, mars 2015 ou dans lequel un chapitre est consacré à Angelo Mariani.

Cocaïne histoire mondiale d'une drogue aux Presses Universitaires de Corse, Éditions Anima Corsa, mars 2015.

Cocaïne histoire mondiale d’une drogue aux Presses Universitaires de Corse, Éditions Anima Corsa, mars 2015.