Enfants des Arts et Angelo Mariani

   Fondée en 1881, sous l’appellation d’Orphelinat des Arts (1), par Marie Laurent, aidée de Sarah Bernhardt et d’Hortense Schneider, l’association avait pour but initial l’aide aux jeunes filles d’artistes dans le besoin. De nombreux mécènes, contribuèrent à son développement et encouragèrent son action tout au long du XXe siècle, comme : Lucy Arbell, Gustave Charpentier, Yvonne Printemps, Juliette Achard, Jules Dalou, Roland Dorgelès, Rachel Boyer, Théophile Poilpot, Louis Oscar Roty, Henri Desgrange, Jane Deley, Gustave Doré, Isabelle Chapusot, princesse Troubetzkoy, Rejanne, Julia Bartet, Loïe Fuller, et bien d’autres (2). À l’image aussi de Marie Édile Riquer, Suzanne Reichenberg, Gabrielle Krauss, Sophie Alexandra Croizette, Madeleine Zulma Bouffar, Léontine Victorine Beaugrand, Alice-Marie Fleury, plus connue sous le patronyme de Henry Gréville, Marie-Jenny-Thérèse Thénard, Constance Quéniaux, Alice Ozy (Julie Justine Pilloy), la duchesse d’Uzès, Jeanne Poilpot, Marie Scalini, Berthe Blanche Marraud, Hélène Louise Fabre, et Colette Brosset. Puis à la fin du XXe siècle, son intitulé a été modifié en Enfants des arts. Angelo Mariani en aurait été bien ravi de l’apprendre. Sait on qu’il fut le premier à évoquer de son vivant le vocable enfants des arts ? De toute évidence son regard bienveillant parcourt toujours ce lieu de bienfaisance à Courbevoie.

Un petit retour dans le temps s’impose pour expliciter notre propos.

   Ce bienfaiteur Corse (3) avec Jeanne Poilpot avaient demandé en 1905 à leur ami commun Louis Oscar Roty de confectionner des tirelires en terre cuite, en bronze et en grand nombre afin de les distribuer dans leurs entourages fortunés. D’une manière immuable, à chaque remise d’une cagnotte Angelo Mariani précisait sa démarche altruiste par ses mots : « Un petit sou tous les jours…pour les enfants des Arts » (4). Comme quoi ce leitmotiv a bien traversé le temps.   A.D.

(1) On peut lire sur ce point l’ouvrage de Jacques Baudson-Lablaine intitulé : L’orphelinat des Arts, TheBookEdition, Lille, 2020.

(2) C.F notamment l’article du quotidien Le Monde, paru le 20 décembre 1967 : L’Orphelinat des arts fête ses quatre-vingts ans.

(3) Angelo Mariani en 1898 s’engage dans l’organisation de la Fraternité artistique de Courbevoie œuvre jumelle de l’orphelinat des arts pour les garçons en qualité de vice-président. En 1912 il fait réaliser une médaille en bronze d’un diamètre de 41 mm pour un poids de 35 grammes par son ami Corse Louis Patriarche. Le but étant de mettre en valeur l’union des deux entités : orphelinat des arts pour les filles et fraternité artistique pour les garçons.

Pièce commémorative de Patriarche pour l’orphelinat des Arts et la fraternité artistique. (Avers).

Pièce commémorative de Patriarche pour l’orphelinat des Arts et la fraternité artistique. (Revers).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(4) Exposition : La Peinture comme l’aimaient nos grands-pères raconte l’histoire de l’Orphelinat des Arts. Ville de Courbevoie, Musée Roybet-Fould. 16 décembre 1967-31 janvier 1968. Catalogue rédigé par Florence Poisson et Françoise Escoffier-Robida, Paris : Les Presses artistiques, 1967, dépôt légal n° 540.

 

de Florence Poisson et Françoise Escoffier-Robida.

 

 

Les cartes de visite et Angelo Mariani

   Aujourd’hui, au XXIe siècle la carte de visite parfois dite de correspondance est encore essentiellement utilisée dans un cadre personnel et/ou professionnel. Elle peut présenter le détenteur, ainsi que son adresse occupée par celui-ci. En ce sens, elle est plus proche de l’idée de carte d’affaires (terme utilisé au Canada), lui-même traduit du terme anglais par business card. On aurait pu croire cependant sa disparition avec l’avènement d’internet en 1990, mais s’est semble-t-il bien le contraire qui s’est produit. La carte de visite est donc toujours d’actualité. Angelo Mariani quant à lui avait fait de ce vecteur de communication un outil redoutable pour la promotion de ces produits et de son statut social. Qu’on en juge par ses quelques exemples.

   En premier lieu voici une carte de visite colorisée avec comme entête en haut à gauche une feuille de coca et à droite son adresse personnelle. (Suite à un accident de santé Angelo Mariani donne de ses nouvelles par ce biais à l’une de ses amies dans les années 1990).

Dr.

Ensuite une vue du 11 rue Scribe à Paris.

Dr.

   Puis vint une nouvelle carte vers 1898 avec l’apparition d’un poinçon en or 24 carats représentant une gravure de Louis Oscar Roty (1846-1911) intitulée : O nymphe le vin Mariani va le sauver, mais prends garde à ton cœur. (Sur cette carte, Angelo Mariani informe son correspond des bonnes décisions à prendre concernant l’orphelinat des Arts dont il est le vice-président).

Dr.

 

 

 

 

 

Une autre vue de rue Scribe.

Dr.

 À ces deux cartes s’y ajoutait une troisième beaucoup plus sobre.

Dr.

Nouvelle vue à partir du 11 de la rue Scribe.

Dr.

    En outre les descendants d’Angelo Mariani poursuivirent cette tradition comme l’illustre cette nouvelle carte de visite dite professionnelle.

Dr.

 

 

 

 

 

 

 

Enfin vue du 10-12 rue Chartres  à Neuilly-sur- Seine.

Dr.

A.D

Angelo Mariani et son ami le célèbre mime Corse d’Ajaccio Séverin Cafferra (1863-1930).

Séverin à la ville.

Séverin à la ville.

   En 1892, le mercredi 29 juin en pleine gloire Angelo Mariani décide de faire jouer chez lui au 11 rue Scribe à Paris, un pantomime intitulé : La fleur de Coca. Cette représentation théatrale a lieue, en soirée devant quelques amis triés sur le volet. Cette pièce de théâtre fut écrite en vers par MM. Paul Arène (1) et Gustave Goetchy accompagnés par une musique de Léopold Gangloff, avec des décors de Charles Toché et les costumes de Paul Donny. Elle met en scène une colombine interprétée par Mlle Madeleine Dowe et un pierrot dénommé Séverin Cafferra (2) qui vont solutionner leur problème en buvant tout simplement un petit verre de Vin Mariani.

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Portrait de Séverin en Pierrot par Félix Valloton.

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Séverin et son magnifique jeu de mains.

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Melle Dowe et Séverin chez Angelo Mariani.

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Quand Séverin boit un verre de vin Mariani.

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Quand Séverin boit directement le vin Mariani à la bouteille.

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On observe que Séverin prend bien soin de mettre en évidence la bouteille Vin Mariani et son étiquette…

severin13   Les origines de la pantomime remontent à l’antiquité. C’est à Rome qu’elle voit le jour de façon certaine, puis se répand dans toute l’Europe méditerranéenne. La pantomime est une forme d’expression corporelle par gestes seulement : mimiques, mouvements, attitudes corporelles et parfois acrobaties. Le mime français Marceau en a été l’un des plus célèbres représentants à la renommée mondiale. La pantomime est parfois accompagnée de musique. Au début du 19e siècle, Jean-Gaspard Deburau crée à Paris le personnage de Pierrot repris par son fils Jean-Charles Deburau (3) qui vers 1850, après le décès de son père en 1846, forme à Marseille Louis Rouffe. Ce dernier initie à son tour Séverin (Séverin Cafferra, né en Corse). La pantomime a la particularité d’être un art populaire créatif issu d’une certaine manière de la Commédia. Marseille devient donc ipso facto la capitale du mime. Avec la disparition de Louis Rouffe en 1885, c’est également celle de la pantomime dans cette ville. Séverin Cafferra, va ensuite connaître la gloire en exerçant son art à Paris. En 1929, il publie chez Plon ses souvenirs, L’homme blanc, Souvenirs d’un Pierrot, introduction et notes de Gustave Fréjaville où il évoque cette fameuse soirée du mercredi 29 juin 1892.

severin1   On sait que les privilégiés qui purent assister à cette unique représentation furent entre autre sa fille Andréa, son fils Jacques mais aussi Catulle Mendes, Sylvain, Melle Moreno, Madame Isabelle Chapusot, Xavier Paoli, Armand Silvestre et Paul Arène.

   À la sortie de l’ouvrage, en 1929, Gustave Fréjaville le préfacier enverra le livre avec sa carte de visite personnelle à Jacques Mariani à Neuilly-sur-Seine. Une façon élégante, à noter, de remercier à posteriori Angelo Mariani pour son aide dans sa carrière professionelle. Sur la carte de visite manuscrite de Gustave Fréjaville, était portée l’inscription suivante au tampon : « De la part de Séverin éloigné de Paris ». Le livre avec la carte de visite pris ensuite sa place dans l’immense bibliothèque familiale Mariani.

Séverin à la renommée internationale.

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Quand Séverin l’Ajaccien était tête d’affiche aux Folies Bergère.

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Source : Bibliothèque collection digitale de Washington D.C, USA.

    Angelo Mariani déclinera par la suite, une nouvelle fois cette forme de communication afin de vanter son célèbre breuvage notamment par le biais de cartes postales comme support.

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Le soldat réconforté par une bonne soeur et une bonne bouteille de vin Mariani.

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Le malade réconforté par une bonne soeur et aussi par une bonne bouteille de vin Mariani, placé en premier plan sur la table de chevet.

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Le même malade toujours réconforté par une bonne soeur et aussi par une bonne bouteille de vin Mariani, placé en premier plan sur la table de chevet. Les autres flaçons soit une concurrence possible ont disparus.

Même chose avec certaines publicités Mariani.

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Album Mariani Tome 6. Dessin d’Eugène Murer.

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Dessin de Louis Trinquier Trianon.

(1) Paul Arène a déjà écrit plusieurs pantomimes comme celui de La statue aux Édition : A. Leduc, 1889, Paris.
(2) La fleur de Coca. Pantomime joué à Paris. Il fut imprimé sous forme de livret par les Éditions Silvestre, 1892 avec 12 belles reproductions photographiques en noir et blanc de Séverin et Mlle Dowe dans les rôles de Pierrot et Colombine. C’est un beau fascicule devenu collector et considéré comme publicitaire pour le vin tonique à base de Coca d’Angelo Mariani.
(3) Charles Deburau, qui va reprendre le rôle de Pierrot, est photographié à de multiples reprises par Nadar sous la dénomination Têtes d’expressions. Ce travail sera récompensé en 1855 à l’Exposition universelle de Paris.

   Si on veut aller plus loin dans la compréhension du pantomime, on se doit de lire, nous semble-t-il, Maurice Lefèvre, « La pantomime », Revue d’art dramatique, mai 1892, p. 257-268 et Arnaud Rykner (dir.), Pantomime et théâtre du corps. Le jeu du hors-texte, Rennes, 2009, Presses Universitaires de Rennes, coll. « Le Spectaculaire ».

   Au niveau des visites pour ce blog, l’évolution est positive. En 2014, nous étions à 969 visiteurs et pour l’année 2015 qui se termine, nous sommes passés à 4 520. Soit un total approximatif de 5 500 observateurs pour une vingtaine d’articles publiés dont voici la liste ci-dessous. Espérons que 2016 connaîtra la même dynamique. Autre point en cette fin d’année 2015, nous tenons à saluer un ami Corse, ainsi que sa famille qui ont la particularité de m’avoir invité à observer sur l’île chez eux au calme leur magnifique collection privée de bouteilles Vin Mariani qui se compose non pas de quelques dizaines de récipients gravés Vin Coca Mariani et/ou Vin Mariani, les plus rares, mais de plusieurs centaines de bouteilles. Oui vous avez bien lu le terme de centaine. Merci encore à eux. En outre, il semblerait selon l’annonce récente du Président Bolivien Evo Morales (3 décembre 2015) reprise par la presse internationale qu’une équipe de scientifiques français aurait fait le déplacement à La Paz afin d’appuyer l’industrialisation de la feuille de coca dans ce pays, et ce à des fins médicinales. On attend avec impatience la publication de leur rapport et surtout leurs conclusions. Enfin, la lettre des amis d’Angelo Mariani se rapproche du 20e numéro. Il aura dans sa prochaine publication pour article central, la réelle valeur d’une bouteille Mariani, de nos jours, qui disons le tout de suite est bien loin des 250 000 euros revendiqués par quelques individus à la recherche d’une bonne affaire ?                           A.D

Liste des articles du blog consacré à Angelo Mariani :

Décembre 2015 : Angelo Mariani et son ami le célèbre mime Corse Séverin Cafferra (1863-1930).

Novembre 2015 : Roland Garros et Angelo Mariani.

Octobre 2015 : La villa Andréa de Valescure à Saint-Raphaël (Var), propriété d’Angelo Mariani.

Septembre 2015 : Angelo Mariani et ses principaux concurrents à la fin du XIXe siècle.

Juillet 2015 : Bastia et la Corse : hauts lieux de la conception de la première boisson à la coca inventée par Angelo Mariani et son père François Xavier.

Juin 2015 : Mariani (déc 1838-avril 1914) et Mistral (sep 1830-mars 1914) ou quelques éléments peu connus sur leur longue relation amicale de 1890 à 1914.

Avril 2015 : Quelques vues des Établissements Mariani à Neuilly-sur-Seine (France) au XIXe, XXe et XXIe siècle.

Mars 2015 : Divers portraits d’Angelo Mariani le propagateur de la coca et quelques belles images issues de ses suppléments illustrés à la gloire de son célèbre breuvage.

Février 2015 : Mais qui était donc en réalité Angelo Mariani pour la famille d’Albert Robida ? (II) suite.

Janvier 2015 : Angelo Mariani et la coca dans les pas d’Albert Robida (I).

Décembre 2014 : Angelo Mariani et les Présidents de la IIIe République française.

Novembre 2014 : Mariani et la publicité en France et dans le monde.

Octobre 2014 : Julius Jaros : un homme discret et efficace ou l’ombre américaine d’Angelo Mariani.

Septembre 2014 : Louis Oscar Roty.

Août 2014 : Isabelle Chapusot.

Juin 2014 : Xavier Paoli.

Mai 2014 : Présentation des principaux personnages amis d’Angelo Mariani présents lors de l’inauguration de la fontaine la Siagnole en février 1905.

Avril 2014 : Une brève histoire de la Fontaine dite la Siagnole à Valescure commune de Saint-Raphaël (Var).

   Profitons enfin de cette occasion pour mettre en ligne la liste des articles version papier de la lettre de la Saam (Société des Amis d’Angelo Mariani) consacrés à Angelo Mariani et ce depuis juin 2004.

Octobre 2015, n°19 : Les premiers concurrents au XIXe siècle du vin Mariani.

Février 2015, n°18 : Plusieurs portraits d’Angelo Mariani.

Octobre 2014, n°17 : Isabelle Chapusot.

Février 2014, n°16 : Ferdinand Roybet et Angelo Mariani.

Octobre 2013, n°15 : Les formes peu académiques parfois de la publicité Mariani.

Mars 2013, n°14 : Une rencontre avec l’Ambassadeur de l’État plurinational de Bolivie en France.

Novembre 2012, n°13 : Une photographie encore quelque peu mystérieuse.

Octobre 2011, n°12 : L’érotisme dans l’œuvre d’Angelo Mariani. (2eme partie).

Décembre 2010, n°11 : L’érotisme dans l’œuvre d’Angelo Mariani. (1er partie).

Janvier 2010, n°10 : Un portrait d’Angelo Mariani par Carolus Duran.

Juillet 2009, n°9 : L’histoire mouvementée de la fontaine dite de la Siagnole à Valescure, Saint-Raphaël, Var. (2eme partie).

Décembre 2008, n°8 : L’histoire mouvementée de la fontaine dite de la Siagnole à Valescure, Saint-Raphaël, Var. (1er partie).

Février 2008, n°7 : Les suppléments illustrés des figurines contemporaines par Pierre Julien. (2eme partie).

Juillet 2007, n°6 : Les suppléments illustrés des figurines contemporaines par Pierre Julien. (1er partie).

Octobre 2006, n°5 : Horace Mariani et la Normandie.

Janvier 2006, n°4 : L’église catholique, les Papes et Angelo Mariani.

Septembre 2005, n°3 : Angelo Mariani et les cartes postales.

Décembre 2004, n°2 : Angelo Mariani et la Bretagne.

Juin 2004, n°1 : Angelo Mariani, une association culturelle et une lettre d’information ; la Saam (Société des Amis d’Angelo Mariani).                           A.D

Pour plus d’informations,  Cf, les livres suivants :

livreangelomariani1.jpeg   Angelo Mariani : L’inventeur de la première boisson à la coca. Éditions Anima Corsa juin 2014 Bastia. 5 boulevard Hyacinthe de Montera : 04 95 48 68 86. Et aussi sur le site Amazon.fr. Sans oublier : Cocaïne histoire mondiale d’une drogue aux Presses Universitaires de Corse, Éditions Anima Corsa, mars 2015 ou dans lequel un chapitre est consacré à Angelo Mariani.

Cocaïne histoire mondiale d'une drogue aux Presses Universitaires de Corse, Éditions Anima Corsa, mars 2015.