Théodore Rivière (1857-1912) ou le sculpteur attitré d’Angelo Mariani (1838-1914).

Angelo Mariani de son vivant souhaitait posséder dans son appartement de la rue Scribe à Paris une représentation physique des personnes qu’il avait coopté dans son premier cercle. Pour cela, il demanda à Théodore Rivière de réaliser son souhait. Ainsi au fil du temps, ce dernier sculpta les dites personnes, afin de les proposer sous forme de statuettes en premier lieu à Angelo Mariani puis ensuite aux intéressés.

Dr :Théodore Louis Auguste Rivière (1857-1912). Portrait d’Angelo Mariani (1838-1914).

À ce jour, en 2024 ce sont plusieurs dizaines d’œuvres qui ont déjà identifiés (plâtre, marbre et bronze) réalisés entre 1890 et 1912. Voyons ainsi une liste partielle de la trentaine de statuettes de 35 cm.

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Ces oeuvres représentaient, Théodore Rivière lui-même, en premier lieu

Dr : © Maryhill Museum of Art, Washington D.C

Théodore Louis Auguste Rivière
(1857-1912). Autre figurine d’Angelo Mariani (1838-1914).
. Plâtre. Paris, musée Carnavalet.

mais aussi Georges Caïn, Jules Cantini, Arthur Christian, Amilcare Cipriani, Jules Claretie, Jean-Louis Conneau dit André Beaumont, Pierre Delbet, Alfred-Amédée Dodds, Paul Doumer,

Théodore Louis Auguste Rivière
(1857-1912). Portrait de Paul Doumer (1857-1932).
. Plâtre. Paris, musée Carnavalet.

Dreyfus dit l’avocat en réalité Maître Fernand Labori, Jean-Henri Fabre, Charles Floquet, Loïe Fuller,

Théodore Louis Auguste Rivière
(1857-1912). Portrait de Loïe Fuller artiste américaine (1868-1928).
Plâtre. Paris, musée Carnavalet.

José Maria de Heredia, Dr Léon Labbé,

Théodore Louis Auguste Rivière
(1857-1912). Portrait du Docteur Léon Labbé (1832-1916). Plâtre. Paris, musée Carnavalet.

René Lalique, Pierre Louÿs, Antoine Lumière, Angelo Mariani, Mireille, Frédéric Mistral, Félix Nadar, Xavier Paoli,

Théodore Louis Auguste Rivière
(1857-1912). Portrait de Xavier Paoli (1833-1923),
cousin d’Angelo Mariani et chef de la police nationale. Plâtre, musée Carnavalet, ( Musée des Beaux-arts de la ville de Paris).

Louis Pasteur, Eugène Perrin, Théophile Poilpot, l’amiral Édouard Pottier, Georges-Antoine Rochegrosse, Alice Rivière, Oscar Roty,

Théodore Louis Auguste Rivière
(1857-1912). Portrait d’Oscar Roty (1846-1911), sculpteur. Bronze. Paris, musée Carnavalet.

Mme Oscar Roty, Jules-Charles Roux et Paul-Armand Silvestre que l’on peut observer pour la plupart de nos jours au musée Carnavet à Paris suite à un don dans les années trente de Jacques Mariani. Ce fils d’Angelo Mariani ne faisait qu’imiter son père qui avait déjà fait cadeau au Metropopolitan Museum de New York en 1902 de la même série de ces statuettes. Mais cette fois-là en bronze. Il existe un autre lieu où se trouvent plusieurs figurines produites par Théodore Rivière. Soit le Maryhill Museum of Art à Washington D.C aux E.U. Elles furent réunis par Alma de Bretteville Spreckels (en réalité Alma Charlotte Corday le Normand de Bretteville (1881-1968), passionnée aussi d’Auguste Rodin).

Dr : © Library of Congress.

Peut-être qu’un jour prochain ces quatre entités culturelles proposeront en commun une rétrospective temporaire internationale réunissant toutes leurs œuvres de Théodore Rivière pour le plaisir des amoureux des arts…

Pour aller plus loin : Colette Dumas, Monographie de Théodore Rivière (1857-1912), thèse de doctorat Histoire de l’art et archéologie sous la direction de Luce Barlangue, Montpellier, Université Paul Valéry, 1997 et Anne Pingeot, Antoinette Le Normand-Romain, Laure de Margerie, Musée d’Orsay, Catalogue sommaire illustré des sculptures, Paris, Réunion des musées nationaux, 1986. Sans oublier le fait qu’il existe un fonds Théodore Rivière au musée d’Orsay sous la forme d’un inventaire analytique détaillé établi en 2015 par Jacqueline Henry, chargée de mission et publié sous la direction de Nadège Horner, chargée d’études documentaires Musée d’Orsay.

N’oublions pas enfin que Théodore Rivière toujours pour le compte d’Angelo Mariani réalisa entre autre La Déesse de la coca,

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ou bien encore la magnifique Siagnole dite la Sirène ou Nymphe pour une fontaine et inaugurée le 27 février 1905 à Valescure, commune de Saint-Raphaël (Var). Soit, il y a exactement 119 ans. À ce titre cette cité varoise qu’il portait dans son coeur (tout comme Angelo Mariani) lui rendra bien. Avec une avenue portant son nom. Seuls Paris avec une place et Toulouse via une rue, honorerons l’illustre artiste de cette belle manière.

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Quand Théodore Rivière, Oscar Roty et Angelo Mariani prenaient la pose lors de la mise en place de la Nymphe. A.D

Louis Oscar Roty

Louis Oscar Roty (11 juin 1876-23 mars 1911).

Portrait d'Oscar Roty paru dans l'Album Mariani Tome 1 (1894).

Portrait d’Oscar Roty paru dans l’Album Mariani Tome 1 (1894).

   Oscar Roty est né à Paris en 1876, de parents instituteurs et parfois peintres pour leurs loisirs. Après des études à l’École nationale supérieure des arts décoratifs, Roty se lance à corps perdu dans la gravure. Il remporte le grand prix de Rome en 1875. Angelo Mariani de son côté a remarqué l’exceptionnel talent de cette personne. A Paris, ils deviennent amis. Ainsi, Roty rentre dans le premier cercle d’Angelo Mariani. Ce dernier en 1891 le fait apparaît dans sa première série des Albums Mariani. En outre, Roty travaille déjà pour Angelo Mariani. De nombreux éléments à la gloire du vin Mariani sortiront de son atelier comme des briquets, pièce de monnaie, etc.

Buste de Mariani portant un chapeau à gauche, devant la légende : Angelo Mariani derrière une bouteille dans une branche de coca sur laquelle est écrite en trois lignes la légende : COCA/ MARIANI / PARIS avec en-dessous ROTY.    Revers : O NYMPHE. LE VIN. MARIANI. VA. LE. SAUVER. MAIS. PREND. GARDE. A. TON. COEUR. Description revers : Une femme dénudée assise dans un décor sylvestre versant d'une bouteille une coupe de liqueur à un enfant ailé qui défaille dans ses bras ; en-dessous O. ROTY.

Buste de Mariani portant un chapeau à gauche, devant la légende : Angelo Mariani derrière une bouteille dans une branche de coca sur laquelle est écrite en trois lignes la légende : COCA/ MARIANI / PARIS avec en-dessous ROTY.
Revers : O NYMPHE. LE VIN. MARIANI. VA. LE. SAUVER. MAIS. PREND. GARDE. A. TON. COEUR. Description revers : Une femme dénudée assise dans un décor sylvestre versant d’une bouteille une coupe de liqueur à un enfant ailé qui défaille dans ses bras ; en-dessous O. ROTY.

   A cela s’ajoute le fait qu’Angelo Mariani l’aide pour la création de la Fraternité artistique à Courbevoie (œuvre jumelle de l’Orphelinat des arts, pour les garçons) fondée en 1893 par Oscar Roty (Président de 1893 à 1911). La Fraternité artistique regroupe, au meilleur de son existence, près d’une centaine de jeunes filles.

   Théophile Poilpot en sera le Président de 1911 à 1915 et Angelo Mariani, le Vice-président de 1911 à 1914, en hommage à Roty. Mieux, le 24 mars 1911, selon le journal Le Figaro, Angelo Mariani offre au musée Carnavalet, sa collection personnelle et complète des œuvres de son ami Oscar Roty.

   Oscar Roty, de nos jours, est toujours reconnu comme l’artiste graveur de la fameuse Semeuse. On la retrouve encore sur les pièces en Euro. Roty est ainsi sorti de l’hexagone pour rejoindre l’Europe monétaire. Sans parler que les artistes du XXIe comme Boris Séméniako n’hésitent pas à utiliser et à s’inspirer de cette dernière.

Le Monde, du samedi 6 septembre 2014, page culture et idées.

Le Monde, du samedi 6 septembre 2014, page culture et idées.

Olivier, laurier ou coca à Valescure ?

   En octobre 1909, Le Figaro publie dans la rubrique : LA VIE HORS PARIS avec comme sous-titre : Dans le bleu, un instantané de la vie à Valescure ou se côtoient régulièrement Roty et Mariani.

«  Entre les deux azurs du ciel et de la Méditerranée, les saisons rivalisent de beauté ;
chacune remplace la précédente avec un charme renouvelé. Sauf durant quelques rapides orages, la constance du soleil encourage la vie de plein air. Bien que la végétation africaine s’y soit acclimatée, l’août lui-même n’y a pas d’ardeurs brûlantes, entre l’Estérel et les Maures, sous le coup d’éventail perpétuel de la brise. Et maintenant, tandis que la récolte du muscat et des figues s’accomplit, les violettes bourgeonnent bientôt les roses traîneront jusque dans la poussière des routes.

A l’ombre fraîche des pins d’Alep et des parasols d’Italie, toute une colonie s’est fondée, il y a environ un quart de siècle, près de Saint Raphaël, groupement très parisien, resté fidèle à Valescure Oasis souriant à l’idéal des rêves que chantèrent Rochard, Armand Silvestre et bien d’autres.

Augustine Brohan avait été du nombre des premiers acheteurs de terrain, avec Carvalho, qui utilisa de nombreux débris des Tuileries et de l’Hôtel de Ville incendiés par la Commune, pour construire son habitation. Le docteur Léon Labbé, sénateur; Mme Bouloumié, femme du médecin de Vittel, aux «Messagés » (Les Cysthes), M. O. Roty dans l’ex-villa Reichemberg, le docteur Lutaud, aux « Mimosas», M. et Mme Kuhn, aux «Sphinx» M. Rommel à «l’Île Verte», Théodore Rivière, à la «Maisonnette Alice», sont des passionnés de ce joli coin provençal. « Lou castélou» à lord Amherst domine de sa tour, magnifiquement, tout le pays. Il s’est inspiré, pour la concevoir, du style des Templiers. C’est peut-être là que sa fille, lady Amherst, a décidé de traduire en anglais les Souvenirs de M. Xavier Paoli sur la Reine Victoria et c’est aussi dans le parc de ce domaine que Roty cueillit la branche de laurier dont il s’est servi pour composer le revers de sa « Semeuse». Une pièce de deux francs entourée d’une inscription est encastrée dans l’écorce de l’arbre, qui désormais aura sa petite histoire dans la grande Histoire numismatique.

L’idée de perpétuer ce gracieux souvenir appartient à M. A. Mariani, dont la villa
Andréa est un peu le cœur de Valescure. Très blanche, au milieu d’un jardin adorable, duquel par une coquetterie assez élégante, la coca fut bannie, ornée d’un nombre infini d’objets d’art, cette accueillante maison a vu défiler bien des célébrités contemporaines. C’est à qu’on brisa la tirelire d’une cagnotte, dont le produit servit à édifier la fontaine sculptée par Théodore Rivière la Nymphe de la Siagnole orgueil de l’endroit. Les joueurs qui firent les fonds en une amusante collaboration se nommaient Mmes Bouloumié et Isabelle Chapusot, MM. Kuhn, Léon Labbé, Lutaud, A. Mariani, X. Paoli, l’architecte Poussin, Antoine Lumière et 0. Roty.

Toute la côte, du reste, est une adorable villégiature d’été. Elle s’anime encore plus en automne, par le retour des familles de nos officiers de l’escadre. On regrette, cette année, le commandant Bonaparte-Wyse que la mort n’a pu arracher à sa magnifique propriété «Isthmia». Conformément à ses vœux, Mme Dupetit-Thouars y garde son cercueil.

La générale Zédé possède «Castebrune»; et M. Petin-Gadet, la «Germaine», deux des merveilles de la baie de Méjan. Le peintre Dauphin, dans son «Paradis»; Henry Kistemaeckers à la «Clapière»; Jean Aicard à la «Garde», représente l’élément artistique et littéraire, avec Mme S. Poirson qui écrit d’une façon supérieure sur la contrée. On sait que la terrasse de sa «Loggia» a fourni à la Comédie-Française le décor de Smilis. En rayonnant un peu, on découvre la splendide terre du vicomte de Saporta, à Solliés, puis la «Beaucaire» à M. Faucher-Chastenet qui vient d’y faire ériger une chapelle privée, l’ «Île d’Or» au docteur Lutaud, «roi après Dieu» de son rocher, en face de Dramand; le «mas » de Théodore Rivière, déjà nommé, à Pamparigouste (!); «Lysis» à Maurice Donnay, dans la baie d’Aguay Bertnay, le romancier populaire, prés de Brieux, à Anthéor Carolus Duran à Saint-Aigulph, et tous ceux qui, pareils à l’auteur de la Robe rouge, sont venus ici «pour être seuls et se sont si bien cachés que je ne lés ai pas dénichés».  Parisette, dimanche, 3 Octobre 1909.

Première série Album Mariani (juillet 1891).

Première série Album Mariani (juillet 1891).

   En juin 1914, Georges Régnal de la Nouvelle Revue reprend l’idée avec plus de précisions : « Dans les bois de Valescure, il existe un olivier, caché, ignoré, marqué d’une plaque gravée, portant à peu près ces mots: «C’est sur cet arbre que fut cueillie la branche dont Oscar Roty s’est servi pour créer le modèle de La Semeuse« .

Album Mariani Tome 9 (1904).

Album Mariani Tome 9 (1904).

Roty toujours d’actualité.

   C’est par un article du Figaro en date du samedi 12 février 2005, intitulé : Les derniers jours de la semeuse, que l’on apprend que Roty va disparaître du paysage monétaire.

   « Créée en 1886 par Oscar Roty pour une médaille du ministère de l’Agriculture, la semeuse est à l’origine une allégorie champêtre évoquant la France agricole du début du XIXe siècle. Coiffée d’un bonnet phrygien, elle est vite devenue une Marianne. Elle marche vers l’avant et sème les graines d’un futur optimiste. Ces graines illustrent aussi le rayonnement culturel et économique de l’Hexagone. C’est par la monnaie que la semeuse accède au rang de vedette. En 1898 et jusqu’en 1920, elle orne les pièces en argent de 50 centimes, de 1 et 2 francs. Le 1er janvier 1960, elle participe à l’introduction du nouveau franc, le nickel remplace alors l’argent. Liftée à plusieurs reprises, elle figurait encore en 2002 sur sept des neuf pièces en circulation. Déjà chassée par l’euro, la semeuse disparaît aujourd’hui pour de bon ». En réalité, Roty et sa semeuse ne vont pas connaître ce sinistre destin. Ils sont toujours bien présents aux fonds de nos poches en cette année 2014.

Pièce de monnaie en Euro de 20 centimes avec la Semeuse.

Pièce de monnaie en Euro de 20 centimes avec la Semeuse.

Quand Angelo Mariani commande à Théodore Rivière (1857–1912), la réalisation en bronze d’une statuette de 35 cm de hauteur représentant Oscar Roty en 1900.

   Plusieurs exemplaires sont ainsi réalisés dans l’atelier A. Bingen et Costenoble à Paris. Combien ? À ce jour, on ne sait pas répondre à cette question. On a par contre l’information qu’il en existe une Métropolitan Museum de New York dû au don d’Angelo Mariani en 1902. Une autre au musée Rodin et enfin celle qui vient d’être vendue à Paris en mai 2014.

Oscar Roty par Théodore Rivière.

Oscar Roty par Théodore Rivière.

 

Pour plus d’informations, cf le livre suivant :

Angelo Mariani L'inventeur de la première boisson à la coca. Editions Anima Corsa juin 2014 Bastia.

Angelo Mariani : L’inventeur de la première boisson à la coca

Editions Anima Corsa juin 2014 Bastia.

5 boulevard Hyacinthe de Montera.

Christophe Canioni : 04 95 31 37 02.

Et aussi sur le site Amazon.

Une brève histoire de la Fontaine dite la Siagnole à Valescure commune de Saint-Raphaël (Var).

   Angelo Mariani en 1904 fait don à la commune de Saint-Raphaël d’un de ses terrains à Valescure afin de permettre l’installation d’une fontaine pour le bien de la population locale. Élément bien agréable du reste lors des périodes estivales. Afin d’embellir ce point d’eau, il demande à son ami parisien le sculpteur Théodore Rivière (1857-1912) de lui réaliser un magnifique bronze représentant une nymphe allongée sur des rochers et à Oscar Roty (1846-1911) un petit macaron en forme de tête de faune. Avec d’autres, il participe activement à l’aspect financier de ce projet qui devient du coup réalité.

   Cette oeuvre d’art, réalisée hors musée et située en plein air, aux abords de la Villa Andréa (en l’honneur de sa fille, trop tôt disparue) fait la une de plusieurs publications nationales de l’époque, comme La Simple Revue ou bien encore l’Illustration dans laquelle Angelo Mariani pose aux cotés de Rivière et de Roty. Cette beauté artistique a pour cadre les pins parasols et les eucalyptus. Cette beauté féminine ondulante, allégorie de l’écoulement de l’eau se repose allongée aux yeux de tous sur plusieurs blocs rocheux de rhyolite venus de l’Esterel voisin.

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   Cette fontaine qui est en réalité une commande personnelle d’Angelo Mariani à Théodore Rivière est un monument assez osé pour l’époque. Il se veut surtout être la conclusion de la source de la Siagnole. Pour preuve, l’extrait rédigé par le Docteur Langer (Plus connu sous le pseudonyme de Georges Régnal) et paru dans la Simple revue en 1910, intitulé : En Provence à Valescure à la villa Andréa (Villa Mariani) : « Un exquis petit ruisseau formé par la source de la fontaine la Siagnole traverse la propriété d’Angelo Mariani. Avec l’eau, dans le Midi, on fait de la végétation tropicale à volonté, comme aussi on acclimate toutes les espèces des régions tempérées, qui poussent seulement là plus vigoureuses, plus violemment colorées que partout ailleurs. Parmi les palmiers, les aloès, les kakis, les daturas, les camélias, et mille autres plantes, j’ai vu après un orage, un poivrier dont chaque feuille retenait une goutte de pluie irisée par le soleil déclinant … On eut dit la parure de Selika suspendue à ses branches. Entre M. A. Mariani et la Siagnole, il y a eu échange de bons procédés; si l’un doit à l’autre la beauté de ses parterres, il lui en a témoigné sa reconnaissance par l’érection d’ une fontaine à quelques pas de la villa, au rond-point du parc. La ravissante « Nymphe » de Théodore Rivière allongée sur la roche tend une coupe à la source délicieuse ».

   D’ailleurs ce n’est pas la première fois qu’Angelo Mariani fait bâtir une fontaine. En témoigne cette autre source réalisée par ses soins dans son village natale de Pero-Casevecchie en Corse en 1896.

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   En ce qui concerne la fontaine artistique de Valescure parfois dénommée la Sirène, elle est officiellement inaugurée en février 1905. En présence du Préfet du Var, M. Charles Evariste Bonnerot (1856-1933) et du maire de Saint-Raphaël, M. Léon Basso. La municipalité par la suite avec une délibération en date du 16 avril de la même année entérine ce don. Pendant plus de trente-sept années, la sculpture de Théodore Rivière fera le bonheur des habitants de Valescure commune de Saint-Raphaël dans le Var.

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   Ce point d’eau va ensuite connaître bien des vicissitudes. Qu’on en juge par ces quelques éléments : Le 11 novembre 1942, les armées allemandes envahissent la zone de Vichy, dite « libre ». Ces derniers réagissent en représailles au débarquement allié en Afrique du Nord. Les Italiens le jour suivant font de même pour huit départements français et agrandissent de la sorte leur propre zone d’occupation en y incluant la Corse. Ils atteignent le Rhône. Le Var (a) de ce fait passe sous leur contrôle. Le 27 novembre les allemands, présents dans cette partie du territoire national attaquent par surprise Toulon. Le but est de s’emparer de la flotte française. C’est un échec pour eux car les navires français se sabordent. Les allemands occupent cependant la base aéronavale de Fréjus. Il est souvent dit que les militaires Allemands en 1942 ont pris alors la statue en bronze de Valescure comme trophée de guerre pour leur fonderie. On peut donc aisément dater, au vu des évènements, ce triste forfait entre la fin novembre et le mois de décembre de la même année. Chose étonnante, ils ne prennent ni la tête de faune, ni la plaque d’inauguration (b).

   Après guerre la fontaine semble passer dans l’oublie jusqu’au jour d’une modification urbanistique dans le quartier de Valescure. En 1985, à l’emplacement du carrefour dit des Anglais, il est décidé de la déplacer de quelques dizaines de mètres. Mme Baur responsable associative en fut le maître d’oeuvre. Cette nouvelle localisation voulue par la municipalité de l’époque, doit faciliter la circulation automobile croissante. La Mairie en profite pour faire un modèle de la tête de faune et remplacer l’original. Ce dernier se trouve en toute logique aujourd’hui au musée de Saint- Raphaël. Seule reste sur place la plaque commémorative, incrustée dans la fontaine ou ce qu’il en reste. Bien des années plus tard, Émilie Michaud-Jeannin (docteur en histoire de l’art) dans le quotidien Var matin du 2 septembre 1990 (c) émettait une idée par le biais d’une remarque ingénieuse : « Il est regrettable de ne pas avoir retrouvé un moulage qui l’eût remplacée ». Auparavant Émilie Michaud-Jeannin nous apprenait déjà, le 8 août 1989, que la demeure villa Andréa, avait été réalisée dès 1888 par l’architecte Ravel.

   La photographie est réalisée là encore par A. Bandieri. Dans la revue l‘Illustration du 11 mars 1905, n° 3237, à la rubrique : documents et informations, le journaliste en charge de cette partie a la mauvaise idée de recadrer la photographie. Il fait disparaître du coup Roty et Mariani ne laissant que Théodore Rivière. Mieux, il remercie la colonie étrangère (anglaise) d’avoir doté la commune de Saint-Raphaël de cette oeuvre. Cette dernière n’y est pourtant pour rien. Pour preuve la délibération du conseil municipal de Saint-Raphaël du 16 avril 1905 qui rectifie cette erreur par la précision suivante : « M. Mariani, Mesdames Bouloumié et Chapusot et Messieurs Kuhn, Labbé, Lutaud, Paoli et Roty ont tous contribué aux frais d’édification du monument sur un terrain appartenant à M. Mariani, en bordure sur le Boulevard de Valescure. Cette fontaine est due au ciseau artistique du sculpteur Théodore Rivière ». Quelque temps plus tard, la plaque d’inauguration est déplacée de la droite vers la gauche du monument. Et on y voit apparaître un nouveau nom : H. Poussin (Henri Poussin,  architecte connu pour ses réalisations carcérales).

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Photographie d’A. Bandieri avec Théodore Rivière sans Roty et Mariani.

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Photographie d’A. Bandieri avec Théodore Rivière, Roty et Mariani.

   Sur cette carte postale ci-dessous, on distingue Mme Isabelle Chapusot, Angelo Mariani avec sa barbe blanche et en retrait Xavier Paoli, son cousin commissaire principal de Police à Paris en charge de la Sécurité des personnalités politiques de passage sur le territoire national. En arrière-plan, on remarque la villa Mariani dite Andréa construite en 1890.

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   C’est un autre cliché d’A. Bandieri. Ce dernier possède un studio photographique sur la place Pierre Coullet au centre-ville de Saint-Raphaël. On doit à ce photographe de nombreuses images du début du siècle passé réalisés pour l’essentiel dans le Var.

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Extrait d’un cliché paru dans l’ouvrage rédigé par Marcel Carlini et intitulé : Saint-Raphaël, le temps retrouvé, Editions Equinoxe, 1998.

(a) Le Var est occupé militairement, et ce de manière totale du 28 novembre 1942 au 8 septembre 1943 par l’Italie fasciste et la 4e armée du général Vercellino. Le 9 septembre 1943, suite à l’armistice italien avec les alliés (Cassibile) et à la chute du dictateur Mussolini, l’armée allemande envahit alors le Var. En réalité, les nazis se sont déjà positionnés sur les côtes de Provence dès juillet 1943. Ils y resteront jusqu’au 15 août 1944. À cette date des commandos français et l’armée U.S, les chasseront en débarquant victorieusement en Provence.

(b) Il peut être important de lire sur ce sujet, l’étude précise de Jean-Yves Coulon, parue dans le quotidien Ouest-France en décembre 1984 et intitulé : La Saint-Barthélemy de la statuaire.

(c) Émilie Michaud-Jeannin, La nymphe de la Fontaine, Théodore Rivière l’avait sculptée pour orner le carrefour des Anglais. Souvenir de l’artiste, Var matin, 2 septembre 1990.

   Pour en savoir plus sur cette fontaine âgée de 110 ans, on peut se reférer aux articles et textes suivants parmi d’autres :

Exposé sur Valescure, Magali Kieffer et Louis Marsan, 17 mars 1977, comité de promotion culturelle, Villa Marie à Fréjus.
Var Matin République, 19 mars 1977, Valescure un site fort apprécié grâce aux efforts d’un ancien maire raphaëlois : Félix Martin, A.P.
Nice Matin, 20 mars 1977, Quand Valescure avait l’accent d’Oxford.
Var Matin, 8 aout 1989, Villa Andréa, le souvenir d’Angelo Mariani, Emilie Michaud-Jeanin.
Var Matin, 2 septembre 1990, La nymphe de la fontaine, Emilie Michaud-Jeanin.
Courrier de Valescure, n° 23 février 1996, Mariani à Valescure…il y a 100 ans, Pierre Fernez.
Fiche n° 179, concernant Angelo Mariani au service des archives et de documentation, ville de Saint-Raphaël en date de décembre 2003.
Courrier de Valescure, n° 39 février 2004, Le vin Mariani ou l’origine du Coca-Cola, Corinne Galland.
Var Matin, 17 juillet 2007, Angelo Mariani, l’homme qui inventa le French tonic wine, C. Bobo.   A.D
Va lescure2saam