Jules Alexandre Grün et sa monumentale rencontre avec Angelo Mariani (I).

   En préambule ayons à l’esprit que les textes (I et II) qui vont suivre n’ont pu voire le jour que grâce à un très beau livre intitulé : Jules Grün, trublion de Montmartre, Seigneur du Breuil-en-Auge de Véronique Herbaut et de Benoît Noël, paru en 2013 aux Éditions BVR. Que ses deux auteurs, ici, en soient sincèrement remerciés. Tout comme d’ailleurs Killian Penven responsable du service communication du Musée de Rouen qui m’a permis d’utiliser un cliché paru dans le magazine de l’Office de Tourisme et des Congrès de Rouen.

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Jules Grün, trublion de Montmartre, Seigneur du Breuil-en-Auge de Véronique Herbaut et de Benoît Noël, 2013, Éditions BVR.

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Dr. Service communication du Musée de Rouen.

    Tout le monde connaît de nos jours les affiches et dessins publicitaires de Jules Alexandre Grün (1) établit à la période dite de la Belle Époque à l’image de celle ci-dessous.

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Première page de l’hebdomadaire Le Sourire n° 122 du 22 février 1902.

   Sans oublier surtout sa magnifique toile réalisée en 1911 dénommée : Un vendredi au salon des Artistes Français. Elle est comme tout le monde s’accorde à le dire devenue l’un des symboles du début de ce XXe siècle français.

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Dr Musée des Beaux-Arts de Rouen. Cliché C. Lancien et C. Loisel.

    Aujourd’hui encore on utilise bien souvent des détails de cette peinture pour illustrer un discours concernant ce temps historique. A l’image de cette couverture d’ouvrage :

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Photo Dr Luc Joubert 1985, Bordas.

Jules Alexandre Grün

Jules Alexandre Grün. Album Mariani Tome IX, 1904.

 

Pourquoi un tel succès ? Aujourd’hui, on dirait, pourquoi un tel buzz ?

La genèse d’un tableau hors du commun.

   En mai 1905, Angelo Mariani assiste au vernissage du Salon des artistes français (2) dans le jardin de la sculpture au grand Palais. Et il observe avec beaucoup d’attention ce microcosme parisien.

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Photographie Ehrmann, Revue l’Illustration n°3245 du 6 mai 1905. Angelo Mariani et sa barbe blanche en compagnie d’Isabelle Chapusot sont au premier plan.

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Photographie Ehrmann, Revue l’Illustration n°3245 du 6 mai 1905.

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Photographie Ehrmann, Revue l’Illustration n°3245 du 6 mai 1905.

   Parmi les personnes invitées, on remarque Mme Grün-Toutain, Melle et Mme Robida, Mme Roty, Melle et Mme Rivière, Mme Georges Cain, Mme Tasset, Melle Lemonnier, Mme Henri Cain, Mme Poilpot, Mme Georges Clarétie, Melle et Mme Cormon, Mmes Vié et J. Coutan, Mme Isabelle Chapusot et MM. Glaudinot, Daneron, André Détaille, Antoine Guillemet, Carrière, Fraipont, Poilpot, Georges Tasset, Georges Cain, Henri Cain, Jules Clarétie, J. Coutan, Georges Clarétie, Cormon, Carolus-Duran, Boisseau, Varenne, Segoffin, le Général Dodds, Jean Aicard, Jacques Baschet, Priou et P. Gaihard. Sans oublier un certain Henri Dujardin-Beaumetz, sous-secrétaire d’Etat des Beaux-Arts et … Jules Alexandre Grün.

  Quelques années plus tard en 1911, l’Etat, c’est à dire la IIIe République décide de célébrer, le 30e anniversaire du Salon des artistes français, par l’entremise toujours d’Henri Dujardin-Beaumetz. Pour cela, il a choisit dès 1909 le peintre Jules Alexandre Grün qui a déjà fait ses preuves afin de mettre en valeur la quintessence de ce qui compte en matière de décideurs à Paris, capitale des Lumières.

   Tout ci à travers le spectre d’une centaine de personnalités (3) appartenant au monde du spectacle, de l’art, de la presse, des affaires et des politiques. Au centre de tous ces personnages, on retrouve un certain Angelo Mariani, lui, qui n’appartient à aucun de ces cercles de décisions. Incroyable mais vrai. Une incongruité ? Pas vraiment. Et bien au contraire même si on prend le temps d’analyser son parcours pour le moins atypique.

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Carte Postale

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Ce même lieu, de nos jours, en contre plongée visuelle.

 

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Drogues et peintures, album d’art contemporain, n°15, Paris, Laboratoire Chantereau (1935).

    Si vous avez des doutes sur cette magnifique représentation n’hésitez pas à faire le déplacement en Normandie lors d’un Week-End pour observer de près cette toile aux dimensions peu commune (6m 17 x 3m 62) au Musée de Rouen afin de pouvoir l’admirer dans ces multiples détails.

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Une liste de 63 personnes in Jules Grün, trublion de Montmartre, Seigneur du Breuil-en-Auge de Véronique Herbaut et de Benoît Noël, 2013, Editions BVR.

Un joyau à Rouen au XXIe Siècle :

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Dr. Rouen Normandie Tourisme & Congrès – JF Lange (photographe).

    Dans cette immense salle d’apparat du musée de Rouen et sous une grandiose verrière qui laisse entrer une lumière naturelle, l’oeuvre de Jules Alexandre Grün apparaît dans toute sa majesté.

Approchons nous maintenant de la toile, une fois les visiteurs et invités partis.

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Angelo Mariani et … une centaine d’invités autour de lui. Dr.

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Angelo Mariani dans toute sa splendeur en 1911. Dr.

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La signature du maître.

Construction et évolution de l’oeuvre :

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Photographie en noir et blanc in Jules Grün, trublion de Montmartre, Seigneur du Breuil-en-Auge de Véronique Herbaut et de Benoît Noël.

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Photographie en noir et blanc détail in Jules Grün, trublion de Montmartre, Seigneur du Breuil-en-Auge de Véronique Herbaut et de Benoît Noël.

   On ne sait si entre chaque pause dans la construction du tableau Jules Alexandre Grün s’autorisait un verre de Vin Mariani ?

Album Mariani Tome IX, 1904.

Album Mariani Tome IX, 1904.

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Dr. Esquisse vers 1910 du célèbre tableau. Photographie en noir et blanc in Jules Grün, trublion de Montmartre, Seigneur du Breuil-en-Auge de Véronique Herbaut et de Benoît Noël.

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Dr. Peinture préparatoire (détail) de l’oeuvre en couleur in Jules Grün, trublion de Montmartre, Seigneur du Breuil-en-Auge de Véronique Herbaut et de Benoît Noël.

Itinéraire d’une œuvre :

   Le 30 avril 1911, c’est l’inauguration au Grand palais. Le succès de cette peinture est tel en France qu’une suite, chose rare, lui est immédiatement donnée par l’artiste Henri Laissement (1854-1921).

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Henri Laissement

   La nouvelle toile au dimensions plus modeste (1m 24 x 1m 80) est présentée dès l’année suivante au salon des Artistes français en avril 1912. On aperçoit là encore … Angelo Mariani de dos s’observant ! Avec de surcroit toujours sa main gauche sur l’épaule droite de Maillard ! Sept décennies plus tard, en mars 1983, à Paris, cette peinture sera vendue à un particulier.

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Dr. Photographie en noir et blanc vers 1912 du tableau d’Henri Laissement in Jules Grün, trublion de Montmartre, Seigneur du Breuil-en-Auge de Véronique Herbaut et de Benoît Noël.

Carte postale publicitaire

Carte postale publicitaire.

Détail de la Carte Postale publicitaire.

Détail de la Carte Postale publicitaire où l’on distingue assez bien Angelo Mariani.

   Quant à la peinture de Jules Grün, elle est exposée tout d’abord à l’École Nationale des Beaux-Arts de Paris, puis au musée du Luxembourg. En 1932, l’œuvre est transférée au Musée des Beaux-Arts de Rouen. Endroit dans lequel on peut de nos jours l’admirer en toute quiétude. En mai 1913, la revue l’Illustration n° 3666, du 31 mai présente une vue générale de l’Exposition de sculpture au salon des Artistes français toujours au grand Palais. On remarque que …. le mobilier est toujours le même.                                A.D.

(1) Il est né le 26 mai 1868 à Paris. Parfois la date se transforme en 25 mai 1870. Jules Alexandre Grün disparaît le 24 janvier 1938 à Neuilly-sur-Seine.

(2) Le premier salon artistique date de … 1663.

(3) Une étude de la centaine de personnalités présentes sur ce tableau permet l’élaboration d’une autre hypothèse….Que nous verrons dans un prochain texte.

Pour plus d’informations,  Cf, le livre suivant :

livreangelomariani1.jpeg   Angelo Mariani : L’inventeur de la première boisson à la coca. Éditions Anima Corsa, juin 2014, Bastia. 5 boulevard Hyacinthe de Montera : 04 95 48 68 86.

Isabelle Chapusot

Isabelle Chapusot

   Nous avons déjà évoqué dans les précédents articles, la présence d’Isabelle Chapusot aux côtés de Mariani à partir des années 1890. Mais qui était donc cette personne omniprésente dans la vie d’Angelo Mariani ?

   Elle voit le jour à Guérard en Seine-et-Marne, le 16 mars 1852, sous le patronyme d’Isabelle Malot. Puis se marie à l’âge de 16 ans avec le docteur Paul Louis Chapusot (1834-1889) âgé de 33 ans, le 29 avril 1868 à Paris dans le 4e arrondissement. Ce dernier est né à Paris le 28 octobre 1834. En 1872, il signe un ouvrage remarqué par Angelo Mariani et intitulé : « Hygiène. Traité des aliments et boissons ». En février 1877, le docteur Chapusot qui est un intime des familles La Porta et Mariani, réside quelques semaines en Corse. Il est en outre l’auteur d’un document, l’un des premiers à recommander le vin Mariani pour le marché américain : «  Having had such splendid results in my practice with the Vin Mariani since a number of years, I counseil you to have your wine tried in London and New York, for I am persuaded that in all the great centres, where this incessant occupation and the abnormal kind of life led there fatally engender anemia, Vin Mariani is able to render the greatest services ». Pendant les deux décennies suivantes, il défend sans complexe les produits Mariani dans le monde médical parisien. Mais le 18 août 1889, le docteur Chapusot meurt à 54 ans. Angelo Mariani signe l’acte de décès. Isabelle Chapusot se retrouve veuve sans enfant semble-t-il à 37 ans. A partir de ce moment, Isabelle Chapusot et Angelo Mariani se rapprochent. Lui même est veuf depuis 1878. Ensemble, ils décident de joindre leurs forces pour aider nombre d’enfants à Paris dans le besoin.

   En 1880, c’est la création par l’actrice Marie Laurent à Vanves de l’orphelinat des Arts à l’attention d’une cinquante de jeunes filles. En septembre 1881,Victor Hugo rend visite à l’orphelinat. En 1888, la structure victime de son succès déménage à Courbevoie grâce à un leg de Gustave Doré. Dix ans plus tard, Angelo Mariani s’engage à son tour dans l’organisation de la Fraternité Artistique de Courbevoie en qualité de vice-président. Cet organisme de bienfaisance pour les garçons est couplé à l’Orphelinat des Arts qui recueille près de 140 enfants.

Isabelle Chapusot et Angelo Mariani le 6 mai 1905 à Paris.

Isabelle Chapusot et Angelo Mariani le 6 mai 1905 à Paris.

   A la recherche de fonds privés, Mariani paye de sa personne en organisant chaque année un repas d’une centaine de convives dans le célèbre restaurant Ledoyen à Paris. Isabelle Chapusot est là pour le seconder dans l’organisation caritative d’Angelo Mariani. Par exemple en mars 1906, Isabelle Chapusot verse 50 francs pour les victimes de Courrières, tandis qu’Angelo Mariani participe quant à lui à hauteur de 100 francs pour soutenir les mineurs terriblement éprouvés du nord de la France. La même année, elle est élue au conseil d’administration de l’orphelinat de Arts dirigée par Mme Poilpot, née Garrier-Belleuse.

   En juin 1911, la grande duchesse Wladimir de Russie est reçue notamment par Isabelle Chapusot et Rachel Boyer lors de sa visite de l’orphelinat. L’année suivante, Isabelle Chapusot en compagnie de Mme Hortense Scheinder, de la princesse Troubetzkoy tout comme Angelo Mariani reçoivent une médaille d’Or dans l’amphithéâtre de la Sorbonne de la part de Charles Chaumet sous secrétaire d’État aux postes pour son action en direction des orphelins. En avril 1914, Angelo Mariani décède. Isabelle Chapusot poursuit l’oeuvre d’Angelo Mariani à l’attention des enfants démunis. Le 11 octobre 1919, elle est nommée vice-présidente de l’orphelinat des Arts. Rachel Boyer en devient la présidente quelque temps plus tard. De nos jours, cette institution bienfaitrice existe toujours, mais sous un autre nom : Enfants des Arts.                     A.D

Mmes Santelli et Chapusot aux côtés d’Angelo Mariani descendant l’escalier principal de la Villa Andréa Mariani à Valescure (Saint-Raphaël) en mai 1911.

Pour plus d’informations, cf le livre suivant :

Angelo Mariani L'inventeur de la première boisson à la coca. Editions Anima Corsa juin 2014 Bastia.

Angelo Mariani : L’inventeur de la première boisson à la coca

Editions Anima Corsa juin 2014 Bastia.

5 boulevard Hyacinthe de Montera.

Christophe Canioni : 04 95 31 37 02.

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