La Villa Andréa de Valescure à Saint-Raphaël (Var), propriété d’Angelo Mariani.

   L’origine tout d’abord du nom de cette villa : Andréa est le prénom du second enfant d’Angelo Mariani née le 8 août 1874 à Paris. Sa fille unique quitte ce monde cependant en avril 1894 à peine âgée de 19 ans plaçant un temps Angelo Mariani dans une immense tristesse. D’autant qu’il avait déjà perdu son premier fils André, en avril 1878 en Corse, né le 2 juin 1871 dans la capitale. Il avait été touché lui aussi par une maladie incurable au même titre que leur mère la même année.

André Mariani (Paris 18 Corse 18. Repose au Père Lachaise.

André Mariani (Paris juin 1871- Corse avril 1878). Il repose au Père Lachaise.

L’aspect extérieur de la villa Andréa :

   À la lecture de l’historien Jacques Chevillard, on apprend qu’en septembre 1888, les architectes Sylvain Ravel et Henri Lacreusette sont chargés de construire pour Angelo Mariani, une villa à Valescure appelée Andréa située près du carrefour dit des Anglais qui domine un vaste parc d’une dizaine d’hectares planté de nombreuses variétés de palmiers, camélias et lauriers-roses. On pouvait même en 1905 visiter les lieux en s’adressant au jardinier sur place. En outre selon les écrits et les propos de Louis Marsan en mars 1977, il y avait aussi des pins parasols et des eucalyptus dans les jardins de la propriété Mariani. Au début du XXIe siècle, Angelo Mariani fit agrandir sa villa avec une très grande dépendance dénommée les Violettes par les soins de M. Aragon entrepreneur à Saint-Raphaël sous l’autorité de l’architecte M. Léon Sergent d’après les indications de Mme Lindsay Benoît arrière petite fille de ce dernier. Cette seconde maison servait à recevoir tous les amis de passage à l’image de l’aviateur Roland Garros.

Cette seconde demeurre servait pour recevoir diverses parfois même en location.

Cette seconde demeure servait pour recevoir diverses personnalités quand la villa Andréa est déjà au complet. La villa Les Violettes était même louée à des amis lorsqu’ Angelo Mariani était absent de Valescure.

   Le portail d’entrée de la villa était composé d’un bas relief exécuté par Oscar Roty (excusez du peu !) : L’amour dans les bras d’une nymphe. Cet objet de collection fut malheureusement dérobé par un passant indélicat selon les dires de Mme Émilie Michaud-Jeanin dans un article de Var Matin paru en août 1989 et intitulé : Villa André : le souvenir d’Angelo Mariani.

L'entrée de la villa Andréa. Sur le pilier droit du portail, on distingue au dessus de la sonnette, la plaque de Roty.

L’entrée de la villa Andréa. Sur le pilier droit du portail, on distingue au dessus de la sonnette, la plaque de Roty.

  À noter les magnifiques images prises à cette occasion par le journaliste et photographe Philippe Arnassan, pour illustrer l’article. Et que l’on a plaisir, ici, à remercier.

Vue extérieure, facade Nord de la villa Andréa. Sur la gauche de la photographie, on distingue la disparition de la plaque réalisée par Oscar Roty.

Vue extérieure, façade Nord de la villa Andréa. Sur la gauche de la photographie, on distingue la disparition de la plaque réalisée par Oscar Roty.

Entrée de la villa Andréa orienté à l'est. On constate en matière architecturale que la toiture a été remplacée par de magnifiques terrasses.

Entrée de la villa Andréa orientée à l’Est. On constate en matière architecturale que la toiture a été remplacée par de magnifiques terrasses.

Grâce à l'ingéniosité de la prise de vue, on observe avec délice la qualité des ornements architecturaux de la villa Andréa réalisée au XIXe siècle.

Grâce à l’ingéniosité de la prise de vue de cette photographie, on observe avec délice la qualité des ornements architecturaux de la villa Andréa construite à la fin du XIXe siècle.

La villa Andréa : un petit musée omniprésent, même dans le jardin.

   A l’approche du vestibule, les invités de Mariani pouvait admirer une nouvelle oeuvre d’Oscar Roty connu sous la célèbre appellation : In labore quies. Le visiteur pouvait aussi observer de nombreuses plaques de bronze d’Eugène Mouchon apposées sur les murs extérieurs encadrant les fenêtres. Dans le jardin, c’est avant tout le monument de Théodore Rivière en hommage au Djinn ou dit souvent Lanceur de pierre qui attirait l’attention. Il y avait en outre selon Georges Régnal, la merveille dite : Les Hordes d’Attila  bloc de bronze imposant de plusieurs centaines de kilogrammes (1). Du même artiste, la fameuse nymphe de la Siagnole en bronze elle aussi placée cette fois à l’extérieur de la propriété de Mariani selon les directives de ce dernier afin que les passants puissent en profiter.

Jardin et terrasse de la Villa Andréa.

Jardin et terrasse de la Villa Andréa.

   C’est aussi en ce lieu qu’Angelo Mariani recevait régulièrement Les Petits Éclaireurs Raphaëlois qui venaient souvent en nombre. Des groupes d’une cinquantaine éléments n’étaient pas rare dans son jardin.

Mariani ou le mécène discret des Petits Éclaireurs Raphaëlois.

Mariani ou le mécène discret des Petits Éclaireurs Raphaëlois. Cette iconographie provient de la collection privée de M.   Michel Roudillaud, écrivain spécialiste de l’Histoire de nombreuses communes du Var en général et de Saint-Raphaël en particulier.

Les proches alentours de la villa :

   Angelo Mariani aime à se promener. Le voici aux abords de sa villa de retour d’une balade.

Par une belle journée ensoleillé Angelo Mariani accompagné par un ami est de retour à la villa Andréa. En arrière plan ce mur en pierre de taille existe toujours. Photographie de Jacques Mariani.

Par une belle journée ensoleillée Angelo Mariani accompagné par un ami est de retour à la villa Andréa. En arrière plan le mur en pierre de taille existe toujours. Photographie de Jacques Mariani.

Les hommes passent, les pierres restent.

Les hommes passent, les pierres restent.

   En 1965, la villa Andréa dénommée parfois Mariani est vendue. Dans les murs, on pouvait encore observer en 1977 des œuvres d’art sous forme de plaques de cuivre encastrer dans les murs. Sur l’une d’entre elles, on pouvait même y lire une citation d’Émile Rochard en date de 1898 : Oasis souriant à l’irréel des rêves. Valescure est un parc endormi dans l’azur, vrai paradou, repos berceur, asile sûr qui prolonge la vie et rend les heures brèves. Il y avait aussi un magnifique bas relief en céramique polychrome de 2,50 sur 2,30 mètres représentant des porteuses d’offrandes javanaises réalisé par Théodore Rivière.

Ornement mural en céramique de toute beauté.

Ornement mural en céramique de toute beauté.

   Puis au milieu des années 80, la bâtisse est démolie au profit d’un immeuble résidentiel. Mais au fait que sont devenues toutes ces œuvres d’art ?

Quand une résidence du XXe remplace une villa du XIXe siècle...

Quand une résidence du XXe remplace une villa du XIXe siècle…

   En février 1996, le courrier de Valescure n° 23, sous la plume de Pierre Fernez présente à son tour Angelo Mariani, et sa villa Andréa avec la modification de l’emplacement de la fontaine en ces termes : En 1985, Mme Baur présidente de notre association inaugura une seconde fois la fontaine de Valescure (ce qu’il en reste), 80 ans plus tard. Le carrefour des Anglais et sa fontaine  « marque » aujourd’hui l’entrée du quartier résidentiel de Valescure. En mars 2004, le courrier de Valescure n° 39, revient une nouvelle fois sur Mariani avec un texte de Corinne Galland évoquant la naissance du Coca-Cola.

   La même année le 26 novembre une conférence-diaporama sur Angelo Mariani est organisée à la médiathèque dans l’auditorium Saint-Exupéry du centre culturel de Saint Raphaël. La rencontre est dirigée par la Société d’histoire de Fréjus et de sa région avec l’association de Valescure. Elle reçoit Corinne Galland, Pierre Nicolini et Guy Petit Bova qui évoquent la mémoire de Mariani et sa « vaste » villa de Valescure.

   En 2007, l’un des meilleurs restaurateurs de Saint-Raphaël, Paul Duranton, eut à juste titre les honneurs de Var matin. Ce dernier, seul, uniquement pour son plaisir avait remis en évidence dans son établissement du centre-ville, Angelo Mariani, l’homme qui inventa le french tonic wine et sa célèbre Villa Andréa.

À l’intérieur :

Pour cela entrons sans effraction avec Angelo Mariani dans sa villa.

Angelo Mariani avec son célèbre cigare à son nom et produit à Cuba devant l'une des portes d'entrées de sa villa. Photographie de Jacques Mariani.

Angelo Mariani avec son célèbre cigare à son nom et produit à Cuba devant l’une des portes d’entrées de sa villa. Photographie de Jacques Mariani.

À l’intérieur :

   On pouvait tout d’abord voir deux oeuvres du sculpteur et dessinateur Corse Louis Patriache. Soit un beau tableau intitulé : La Provence et un portrait en relief représentant Xavier Paoli. À cela s’ajoutaient plusieurs toiles de Jean Renié (Vue de Fréjus) et d’Atalaya (Sancho et Don Quichotte). Sans oublier deux bustes réalisés par Jean Baffier dénommés : La femme au gui et l’Angèle et un ensemble collectif sous le nom de : La cuvée. De plus, on ne pouvait pas manquer le tableau de Guillemet ; Bords de Seine (environ de Paris). Sur la balustrade du balcon face au salon trônait sur un piédestal de marbre, la statuette d’Oscar Roty, la encore réalisé par Théodore Rivière.

   Grâce à un lecteur assidu (2) de notre blog consacré à l’oeuvre d’Angelo Mariani, nous avons eu le plaisir d’être contacté afin d’apprendre l’existence d’une photographie inédite d’Angelo Mariani prise à l’intérieur de la Villa Andréa à Saint-Raphaël (Var). Nous avons pu ensuite obtenir cette image que nous vous présentons maintenant :

Photographie prise entre 1909 et 1914 par Jacques Mariani

Photographie prise entre 1912 et 1914 par Jacques Mariani

   Sur cette photographie noire et blanc, on dénombre neuf personnes. Au premier coup d’oeil, de gauche à droite, on peut aisément distinguer tout d’abord Joseph Uzanne, puis Oscar Roty. Vient ensuite Angelo Mariani debout avec son éternel cigare à la main. Devant lui est assis sur un petit banc capitonné un inconnu. Qui est-il ? Au centre, l’épouse de Jacques Mariani (Louise Laroque) et sa maman à ses côtés. En s’approchant de la fenêtre, on voit semble-t-il l’aide ménagère et devant elle un enfant assis en tailleur non identifié. Enfin tout à droite de l’image, on aperçoit Xavier Paoli, cousin de Mariani. Cette photographie fut prise dans les années 1912-1913.

Aujourd’hui :

   D’un point de vue patrimonial à Valescure, tout a disparu ou presque, semble-t-il, de la villa Andréa. Il ne reste plus rien (?) de cette magnifique demeure qui reçut les plus grands de ce monde et qui fut pour partie à l’origine aujourd’hui de la marque mondiale la plus connue de la planète en ce XXIe siècle. Pas même une plaque d’information en cet endroit pour informer les touristes. Encore moins le nom d’une rue à son patronyme dans la commune. Ni d’ailleurs dans aucune ville ou village sur le continent, ni même en Corse son île adorée par-dessus tout. Étonnant ? Non pas vraiment. Selon un dicton populaire, il se dit que nul n’est vraiment prophète dans son pays…. Alors pourquoi un tel oubli ? On est vraiment en droit de se poser cette légitime question. Mais qui sait, peut être qu’un jour, cette injustice mémorielle sera enfin réparée.      A.D

villa 37(1) On peut admirer ce magnifique bronze de nos jours au musée de la Piscine à Roubaix.

(2) En l’occurrence M. Sylvain Calvier,  photographe, historien et archiviste, basé au 21 rue Saint Paul dans le 4e arrondissement de Paris.

Dans cet agréable magasin de photographie au coeur de Paris dormait cette photographie de Mariani à Valescure prise par son fils Jacques.

Dans cet agréable magasin de photographies au coeur de Paris dormait depuis de nombreuses années une photographie de Mariani à Valescure prise par son fils Jacques.

   Nous avons aussi retrouvé dans nos archives un dossier intitulé Angelo Mariani avec une photographie sans nom. Qui est-il ? Qui peut nous informer de son patronyme ?

Qui est-il ?

Qui est-il ?

   À noter les deux très beaux livres de Michel Roudillaud parus aux Éditions Alan Sutton dans la collection Mémoire en images, intitulés : Saint-Raphaël. (Tome 1 : 128 pages et tome 2 : 223 pages).

Saint-Raphaël de Michel Roudillaud, tome 2.

Saint-Raphaël de Michel Roudillaud, tome 2.

villa 36Pour plus d’informations,  Cf, les livres suivants :

livreangelomariani1.jpeg   Angelo Mariani : L’inventeur de la première boisson à la coca. Éditions Anima Corsa juin 2014 Bastia. 5 boulevard Hyacinthe de Montera. Christophe Canioni : 04 95 48 68 86. Et aussi sur le site Amazon.fr. Sans oublier : Cocaïne histoire mondiale d’une drogue aux Presses Universitaires de Corse, Éditions Anima Corsa, mars 2015 ou dans lequel un chapitre est consacré à Angelo Mariani.

Cocaïne histoire mondiale d'une drogue aux Presses Universitaires de Corse, Éditions Anima Corsa, mars 2015.

 

 

Présentation des principaux personnages amis d’Angelo Mariani présents lors de l’inauguration de la fontaine : la Siagnole en bronze réalisée par Théodore Rivière à Valescure (Saint-Raphaël) en février 1905.


 


Arrêtons donc nous un instant à la personnalité du Docteur Lutaud (a). Puis dans un second temps à celle de Xavier Paoli (b), sans oublier ensuite l’existence de la très discrète Mme Isabelle Chapusot (c) pour terminer enfin cette évocation (d) avec Oscar Roty.

Le docteur Auguste Lutaud (1847-1925).

Le docteur Auguste Lutaud est de prime abord un personnage semble-t-il en apparence quelque peu excentrique. Quelqu’un de haut en couleur comme on dit à l’époque au XIXe siècle pour nommer une personne un brin hors du commun. Mais à vrai dire quand on y regarde de plus près, c’est bien tout le contraire qui nous apparaît. Né à Maçon, il étudie la médecine à Paris. On le retrouve par la suite en Allemagne et en Angleterre, puis aux États-Unis pour poursuivre son périple jusqu’au … Pérou. De retour en France, la maîtrise de la langue de Shakespeare aidant, on assiste à son ascension rapide dans les responsabilités médicales au niveau national. En l’espace de quelques mois, il devient un spécialiste reconnu et incontournable à Paris en matière gynécologique et obstétricale. Il attire déjà l’attention d’Angelo Mariani par le fait d’avoir été notamment au Pérou. Nous sommes dans les années 1880. Ils sont de plus voisins à Valescure (Saint-Raphaël). En effet le Docteur Auguste Lutaud, est aussi le propriétaire d’une villa dite des Mimosas, proche de la demeure d’Angelo Mariani. Ils sont amis à tel point que Lutaud sera accueilli en personne à New York par le beau-frère d’Angelo Mariani à savoir Julius Jaros en cette ville américaine. Il résidera au 266 West End Avenue entre la 72d et 73d Street.

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Tome IX (1904)

À cela s’ajoute en parallèle la présence efficace de ses deux frères Émile (1845-1933) et Charles (1855-1921). Ce dernier après avoir été plusieurs fois désigné préfet, est nommé par la République Gouverneur de l’Algérie en 1898. Il possède lui aussi depuis 1892 une villa à Valescure (Saint-Raphaël).

Notre homme, Auguste Lutaud outre le fait d’être un médecin reconnu et apprécié est aussi un écrivain de grand talent. On lui doit notamment sous le pseudonyme du docteur Minime en 1884, le célèbre ouvrage intitulé : Le Parnasse Hippocratique qui sera réédité en 1896 avec des dessins d’Albert Robida, accompagné du fameux poème de Maurice Bouchor sur la coca. Puis à son retour de l’étranger, le livre ayant pour titre : Les États-Unis en 1900, publié tout d’abord chez la Société d’éditions scientifiques en 1896, puis par Flammarion en 1897. À cela, il faut y ajouter une multitude de traductions d’ouvrages de l’Anglais en Français. Et surtout en 1924 aux Éditions Rhéa : Le crime du Capitaine. (Nous reviendrons plus tard sur cet ouvrage concernant l’affaire Alfred Dreyfus).

Le Crime du Capitaine.

Le Crime du Capitaine Edition Rhea 1924

L’île d’Or.

Une île à l’histoire incroyable : située à l’est de Saint-Raphaël et d’ Agay dans le département du Var, en prolongement du massif du Dramont, l’île est longtemps restée anonyme. C’est en 1897 qu’elle va sortir du néant. En effet, mise aux enchères par l’État, c’est un dénommé Léon Sergent architecte de son état et vice-consul du Royaume-Uni qui en devient le propriétaire. Ce dernier installé dans sa villa Asphodèles à Valescure s’est rendu acquéreur de l’île d’Or pour la modique somme de 280 francs. Soit l’équivalent de 50 bouteilles de vin Mariani de l’époque. L’île change de nouveau de propriétaire au cours d’une partie de cartes dont elle fut l’enjeu en 1909 ! Le Docteur Lutaud en devient le possesseur. Il transforme cet îlot sans prétention en un véritable royaume pour tête couronnée. Grâce à ses revenus confortables, le maître des lieux fait élever à grands frais une tour carrée dite «sarrasine» de quatre étages en pierres rouges de l’Estérel, à l’identique des rochers du site.

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L’île d’Or aujourd’hui.

Le 19 septembre 1910.

Dans l’allégresse qui suit la construction de cette tour, le médecin s’autoproclame «Roi» de l’île d’Or ! Ou plus exactement « Roi après Dieu, Roi tu es, Roi tu resteras». Il prend par la même occasion le nom d’Auguste 1er. Dans la foulée, il frappe monnaie, timbre et papier officiel avec la création d’un hymne national. Pas moins. Il a pris soin en outre de graver sur la roche son blason et ses deux devises. L’une en latin l’autre en langue arabe.

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Inscription en latin : Insula Aurea (île d’Or), Rex propio Motu (Par ordre du Roi) et en langue arabe : Ton salut est dans la sincérité.

Sur ce «territoire indépendant» et pour parfaire ce moment solennel, une fanfare joue l’hymne national de l’île d’Or, lors de l’arrivée des nombreux invités, dont Angelo Mariani et Xavier Paoli. On note parmi une centaine de personnes, la présence du préfet du Var, Louis Hudelo, d’Oscar Roty, le célèbre graveur. Sans oublier Charles Carolus-Duran, artiste peintre. Tout cela sous un drapeau ceint d’une étoile et d’un croissant de lune. Ces privilégiés partent ensuite rejoindre la terre ferme du Dramont afin d’aller déjeuner avec les convives, dont de nombreux enfants, restés sur le continent.

Angelo Mariani tout de blanc vêtu à genou devant la marraine. Derrière elle, le docteur Lutaud. A sa gauche Xavier Paoli et son chapeau melon.  Cliché issu du document intitulé : L'ile d'Or de Laurence Bureau-Lagane, juin 2013.

Angelo Mariani tout de blanc vêtu à genou devant la marraine. Derrière elle, le docteur Lutaud. A sa gauche Xavier Paoli et son chapeau melon. Cliché issu du document intitulé : L’ile d’Or de Laurence Bureau-Lagane, juin 2013.

Ce lundi 19 septembre 1910, le « roi » Lutaud, le jour de son investiture, choisit une petite fille méritante du Dramont. Selon certains, cette jeune enfant n’est autre que la fille d’un contremaître italien, tailleur de pierres de la carrière du Dramont. Elle se nomme Amélie Borgini. Auguste Lutaud la désignera « marraine de l’île d’Or ». Après avoir reçu sa couronne et son sceptre, Auguste 1er écouta avec attention les quelques vers suivants récités par sa marraine :

Sire, acceptez sur ce plateau
Cette clef de fleurs entourées ;
Que cet hommage vous agrée,
O Roi, le premier des Lutaud !
Grand souverain de l’île d’Or.
Pour vos sujets, soyez un père.
Que votre règne soit prospère
Pendant de bien longs jours encore,
Vive le roi de l’île d’Or !

Le jeudi 25 septembre 1913.

Trois ans plus tard, le jeudi 25 septembre 1913, notre souverain Auguste 1er invite sur son île, quelques amis comme, le Général Joseph Gallieni et sa femme, nommé d’entré ministre de la Guerre, l’écrivain Jean Aicard (de l’Académie française), Angelo Mariani (en sa qualité de Roi de la coca), et Xavier Paoli désigné chef du protocole et des commandements de Sa Majesté Auguste 1er. Ce jour-là, Monsieur Ernest Grandclément, pour avoir salué la présence du monarque de nombreux coups de canon, est affublé du titre de ministre de la Marine ! On remarque aussi M. Simian, sous-secrétaire d’État aux Postes, et son épouse. Tout comme le journaliste du Figaro André Nède et M. Floch, ministre d’État de Monaco. Son excellent ami et voisin Lord Cécil William, est désigné dans la foulée, consul du Royaume de l’île d’Or auprès de Sa Majesté britannique. Là encore, la fête est un énorme succès.

Le XXe siècle.

Auguste Lutaud restera sur son trône jusqu’à sa mort le 25 août 1925. Il est inhumé à St-Raphaël (Var) en un lieu quelque peu accessible. C’est à dire bien entendu sur l’île d’Or. Dans les années trente, l’île a semble-t-il été immortalisée par Hergé. Ce dernier s’en serait inspiré pour l’un de ses albums de Tintin : « L’île Noire ».

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Hergé (1907-1943), L’île noire, 1942 51 x 35 cm 1 011 200 €, le 24 mai 2014.

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Tintin, L’ïle noire.

L’Armée américaine y débarque à son tour le 15 août 1944 dès 8 heures du matin pendant l’opération militaire de libération du Midi de La France intitulée : Anvil Dragoon. La tour sarrasine est légèrement malmenée. Mais cela en fait du coup l’un des premiers territoires français libérés des nazis dans le sud de la France (La Corse l’avait déjà été dès le début d’octobre 1943). L’île change une nouvelle fois de propriétaire en 1961, lorsqu’un officier de la marine, François Bureau (1917-1994), l’achète à Olivier Lutaud, petit-fils du disparu.

En 2014.

Que reste-t-il aujourd’hui d’Auguste Lutaud ? Tout d’abord, l’histoire même de l’île d’Or. Île qui est habitée une partie de l’année. Puis un square à son patronyme à Saint-Raphaël, face à la méditerranée, inauguré en juin 2010 par la municipalité. Ensuite sous la forme d’un clin d’œil de la République, un timbre tout à fait officiel cette fois-ci illustrant l’île d’Or, réalisé par la poste le 29 juin 2013. Soit un siècle jour pour jour après la première émission peu académique d’un timbre postal.

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Timbre postal, l’ïle d’or.

Pour plus d’informations, on peut lire avec intérêt :

Le Figaro du 7 février 1914 : Fortuna.
Nice Matin du 19 août 1984 : La sobre sépulture du Dr Lutaud.
L’Express du 25 mai 2010 : La côte d’Azur et ses dernières criques secrètes.
Bureau-Lagane Laurence, L’île d’Or joyau de l’Estérel, Éditions de L’île d’Or, juin 2013.
Qantara, n° 90, Janvier 2014, Les Sarrasins en Méditerranée au Moyen Age.