Le Monde et Angelo Mariani

   Quel n’a pas été notre plaisir de lire le jeudi 18 août 2022 dans le quotidien Le Monde un très bel article intitulé : La cocaïne, péril blanc de la belle époque, p 18. Ce texte percutant rédigé dans la collection Séries d’été par deux spécialistes (Simon Piel et Thomas Saintourens) évoquait le parcours d’Angelo Mariani à Paris et la propagation de la coca par ses soins lors de la IIIe République française. Ce papier était en outre agrémenté de deux belles iconographies, un régal. Soit une photographie novatrice qui n’a jamais été, nous semble-t-il, publiée auparavant issue de Jacques Boyer/Roger Viollet représentant un « essorage de cocaïne dans une pharmacie française en 1905 ». Et surtout le fameux tableau de Jules Alexandre Grün « Un vendredi au salon des artistes français » de 1911. Peut-être aurait-il été utile cependant de préciser que cette toile se trouve en France au musée de Rouen et que l’on peut l’observer de nos jours de manière gratuite et en toute quiétude ?

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Le Monde, Jeudi 18 août 2022.

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Photographie de Jacques Boyer 1905. Dr Roger Viollet.

 

 

 

 

 

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Tableau d’Alexandre Grün, 1911 avec Angelo Mariani au premier plan.

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Extrait d’une publicité pour le vin Mariani.

   Ensuite, on remarque que nos auteurs présentent Angelo Mariani comme le premier millionnaire de la cocaïne. Est-ce si sûr ? Premier millionnaire de la coca oui de toute évidence, mais au niveau de la cocaïne, pas vraiment, car ce sont plutôt les propriétaires des entreprises pharmaceutiques comme la famille Merck en Allemagne et Hervey Coke Parke au nom prédestiné accompagné de Georges Davis aux États-Unis qui furent les grands bénéficiaires à cette époque de la poudre blanche. À noter enfin que nos deux experts évoquent John Pemberton et Angelo Mariani en ces termes : « Les Américains mâchent des chewing-gums Coca Bola, se désaltèrent avec le soda brun mis au point par John Pemberton, un pharmacien d’Atlanta. Baptisée « Coca-Cola », cette copie du vin Mariani, moins dosée, est promise à un bel avenir…».

   Enfin en forme de clin d’œil, la première fois que nous avons vu mentionner dans Le Monde les expressions Vin Mariani, Angelo Mariani ou coca Mariani remonte au 25 janvier 1982 avec un article consacré à : Freud et le Coca-Cola. En voici un extrait : « L’Europe civilisée et conquérante découvrit la plante coca au milieu du seizième siècle quand les Espagnols combattirent au Pérou les Incas, pour qui elle avait des vertus religieuses. Pour lutter contre la faim, la fatigue et le froid, les Indiens d’Amérique du Sud l’ont de tout temps mastiquée. Dès le milieu du dix-huitième siècle, la pharmacie populaire s’en empare et on la recommande en décoctions, en onguents contre les maux de dents, les troubles digestifs, les neurasthénies et les problèmes du larynx et de la gorge. On en fait même un vin célèbre, le vin Mariani, du nom de son inventeur, qui connut son heure de gloire dans la bonne société française et européenne ».

   Dix ans plus tard, Le Monde publiait le 8 janvier 1992 : Tisane des Andes Le gouvernement et les industriels péruviens militent pour une réhabilitation des vertus thérapeutiques de la feuille de coca. En voici un passage : « Depuis la conférence de Vienne de 1988, la production et le commerce de la feuille de coca sont interdits, à l’exception de son usage traditionnel, qu’il s’agisse du  » chachar  » (mâchonnement), de la boule de coca piquée de chaux vive ou de son emploi médicinal sous forme de tisane ou de cataplasme. Un fort goût de remède. C’est pourquoi l’exportation de maté de coca est interdite aux États-Unis comme en Europe. Tonique et facilitant la digestion, l’infusion de coca est pourtant inoffensive. Elle ne contient qu’un milligramme de cocaïne. Il faudrait donc en consommer 700 doses pour obtenir l’effet d’un gramme de drogue. Cette tisane a d’ailleurs démontré ses vertus, et le pape Jean-Paul II ne l’a pas dédaignée lors de son voyage en Bolivie afin d’éviter le  » soroche  » ou mal d’altitude. On se souviendra que le pape Léon XIII ne refusait jamais un petit verre de Mariani, qui était du vin de coca ».

   En novembre 1996, Erich Inciyan produisait à son tour une recension d’un bel ouvrage : Atlas mondial des drogues qui débutait par ces mots : « En 1863, le pharmacien corse Angelo Mariani lançait un vin à base de feuilles de coca. Chaque verre contenait l’équivalent d’une ligne de cocaïne. Le succès fut énorme. Puis vinrent l’élixir, les pastilles, le thé Mariani, dont Anatole France, Jules Verne, le pape Pie X et Émile Zola vantèrent les mérites en signant le livre d’or de la maison Mariani. Cette petite histoire, et bien d’autres figurent dans le remarquable tour du monde des stupéfiants »…

   On vit dans la foulée un texte signé de Luc Rosenzweig le 22 août 1999 dénommé : Coca-Cola, l’empire de la soif dont l’introduction disait: « C’EST un Français, corse de surcroît, qui est à l’origine du Coca-Cola. Pour oser affirmer cela sans risquer au mieux le ridicule, au pire la qualification d’indécrottable franchouillard obsessionnellement anti-américain, il faut avoir de solides arguments. Les voici. Seul parmi tous les auteurs ayant retracé l’histoire à succès de la boisson gazeuse la plus vendue au monde, Henry Hobhouse, l’auteur de Seeds of change (« Les Graines du changement ») révèle que l’invention de la fameuse décoction de feuilles de coca dans du vin rouge, ancêtre du Coca-Cola, ne doit pas être attribuée au pharmacien d’Atlanta John Smith Pemberton, comme le veut la légende, mais à Ange Mariani, héritier d’une longue lignée de médecins et d’apothicaires corses. Saluons d’abord l’objectivité et le fair-play de ce journaliste britannique, qui fit toute sa carrière aux États-Unis, qui prend le risque de s’opposer à l’histoire officielle élaborée et diffusée par la world company d’Atlanta ».

   En 2002, le 9 février, Alain Lompech dans une chronique intitulée : Ça s’est passé hier cite le Vin Mariani : « Il aura fallu aussi défendre la France contre le Coca-Cola, au début des années 1950. Les députés communistes avaient demandé son interdiction au motif que cette boisson américaine était dangereuse pour la santé. Experts médicaux à l’appui. Personne ne savait, hier, que la formule originelle du Coca était celle du Vin Mariani, une boisson corse revigorante dont la recette avait été cédée à un pharmacien américain. Encore moins que les médecins en prescriraient aujourd’hui l’administration aux enfants qui digèrent mal le lait ». Le 14 avril de la même année, Serge Zeyons évoque lui aussi le vin Mariani dans son article : Les cartes postales de Mucha toujours à la mode. En voici un extrait : « Le champagne Moët et Chandon, les magasins La Belle Jardinière, le vin Mariani, les biscuits Lefèvre-Utile, le cognac Biscuit, les cigarettes Job se trouvent portés par ses créations, que prolongent des dizaines de milliers de cartes postales imprimées et diffusées par des éditeurs avisés comme Champenois ».

   Puis vient le texte de Paulo Antonio Paranagua, le 5 janvier 2006 : « A Los Yungas, le combat des cocaleros. Evo Morales, le président élu de Bolivie, vient à Paris le 6 janvier. Il plaidera pour la dépénalisation de la culture de la coca. Nous sommes allés à la rencontre de ceux qui en vivent. A 23 km de La Paz, centre politique de la Bolivie, un panneau publicitaire annonce le poste de police de La Rinconada. L’image d’une jeune Indienne souriante avec son bébé sur le dos tente de convaincre les passants que « la lutte contre la drogue est l’affaire de tous ». Financée par les États-Unis, La Rinconada surveille l’accès à Los Yungas (département de La Paz), la seule région de Bolivie où les plantations de coca sont autorisées, dans certaines limites. Les plants de coca sont cultivés à Los Yungas depuis l’époque des Incas », explique le député Dionisio Nuñez, élu de la région. Mâcher ces feuilles permet de tromper la faim et de travailler du lever au coucher du soleil sans s’arrêter. Le Mouvement pour le socialisme (MAS, gauche), la formation d’Evo Morales, est né parmi les cocaleros de Los Yungas et du Chapare (département de Cochabamba), à la suite de leur résistance contre les programmes d’éradication inspirés par les États-Unis. Dionisio Nuñez est intarissable sur les vertus nutritives et médicinales de la feuille sacrée des Andes. « J’ai dénombré 45 produits dérivés », assure-t-il : de la farine pour fabriquer le pain, des biscuits ou des pâtes, le sirop contre la toux ou les pommades antidouleur. En 1961 cependant, une convention internationale a placé la coca parmi les plants illicites, avec le pavot ou le cannabis. « Je ne comprends pas, reprend le député du MAS. Au début, le Coca-Cola était destiné à concurrencer le vin Mariani qui était extrait de la coca. Comment se fait-il que le fabricant américain puisse importer la feuille, alors que les Boliviens sont empêchés de l’industrialiser et de l’exporter ? » Coca- Cola, dont la formule est restée secrète, affirme ne plus utiliser de coca pour son produit ».

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Le Monde, 5 janvier 2006, Paulo Antonio Paranagua : « A Los Yungas, le combat des cocaleros ».

   Maintenant si l’on veut en savoir un peu plus sur Angelo Mariani (1838-1914), la coca et la cocaïne, on peut lire l’ouvrage rédigé par nos soins et paru à Quimper en 2022 aux Éditions Da Lec’h All (www.dalechall.fr) ayant pour titre : De la coca à la cocaïne et comme sous titre (Dates et chiffres clés Monde, Europe et France).

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Bon de commande.

      Ce livre a été lancé officiellement le 15 août 2022, à la Maison de la Presse de Saint-Flour (Cantal) dirigée par Mme Évelyne Costes. Cette dernière accompagnée de ses collaboratrices dont Françoise Laborie ont réalisé la première édition d’un salon dédié aux livres : « Livres et vous…». Belle initiative culturelle qui fut un franc succès et qui mérite à nos yeux d’être valorisée pour la décennie future.                                         A.D

 

Extrait du quotidien La Montagne jeudi 11 août 2022
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Dès 10 heures du matin, l’installation est en place. Dr.

Angelo Mariani et les cartes postales.

   On le sait Angelo Mariani apparaît sur de nombreuses cartes postales (Fontaine de Valescure) (Villa Mariani à Villers-sur-Mer) (Les petits Éclaireurs Raphaëlois à la Villa Andréa) et (Le Salon des Artistes Français)…

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Carte postale éditée en 1912 à partir du tableau de Jules Grün.

   Notre industriel et mécène saisit très vite l’impact publicitaire de ce support qui voyage dans le monde entier. Mariani décide donc de décliner les nombreux dessins de peintres, sculpteurs et dessinateurs parus dans les Figures contemporaines sous le format d’une carte postale ayant comme base un très beau papier Bristol. Il finit par publier en 1901 une belle série de 120 cartes postales à la gloire de son vin à la coca. Cet élément publicitaire est destiné à être expédié par la poste en quatre pochettes contenant chacune un jeu de trente cartes. De type monochrome, ces cartes furent distribuées en grandes quantités. L’ensemble étant vendu au prix modique de dix centimes de l’époque pour chacune des quatre séries.

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Pochette de Cartes Postales, Collection Mariani, Troisième série contenant trente éléments.

   Une cinquième série toujours de trente cartes est décidée en 1912. On arrivera ainsi à un total de 150 cartes postales au format (9×14 cm) vantant les mérites du Vin Mariani. Très rares sont les cartophiles en ce XXIe siècle qui peuvent prétendre être en possession de la totalité de ces cartes postales. Cet ensemble réunit les reproductions des œuvres de «140» artistes et forment cinq séries de trente cartes postales chacune :

   Première série : Paul Avril. Ferdinand Roybet. Charles Waltner. Lucien Lévy-Dhurmer. Georges Meunier. Paul Renouard. Maurice Berteaux. Alphonse Mucha. Paul Hermann. Eugène Murer. Lacault. Ribéra. Édouard Adler. Léon Glaize. Henri Eugène Augustin Le Sidaner. Paul-Albert Laurens. Louis Noël. Jean Ferigoule. Adolphe Lalauze. Auguste Hagborg. Enrique Atalaya. William Bouguereau. Albert Maignan. Jules Cheret. De Richemont. Charles Bigot. Georges Goursat dit Sem. Charles Léandre. Louis Vallet.

   Deuxième série : Adolphe Giraldon. Luc-Olivier Merson. Maurou. Louis Tinayre. Gabriel Ferrier. Charles Cottet. Edgar Maxence. Francisque Desportes. Henry Caro-Delvaille. André Brouillet. Georges Lemaire. Xavier Alphonse Monchablon. Eugène Carrière. Léonletto Cappiello. Frédéric Montenard. Jules Girardet. Jules Alexandre Grün. Léon Comerre. Georges Antoine Rochegrosse. Louis Eugène Mouchon. Gaston Gérard. École du XXè arrondissement de Paris. Dr Dupont au Sénégal. Oscar Roty. Emmanuel Frémiet. Jean Léon Gérome. Albert Besnard. H. Tenré. Albert Robida. Evert Van Muyden.

   Troisième série : Paul Avril. Georges Haquette. Weincker. Jean Dagnan-Bouveret. Émile Boisseau. Lequesne. Antonio de la Gandara. Albert Dawant. Moncel. Mlle Clémentine-Hélène Duffau. Tony Robert Fleury. Raymond Sudre. Lepère. Marius Perret. Eugène Boverie. Weecks. Osvaldo Tofani. José Frappa. Maurice Leloir. François Flameng. Henri Zo. Pascal Blanchard. Ernest Courtois de Bonnencontre. Firmin Bouisset. Abel Faivre. Jean-Pierre Laurens. Jules Renard Draner. Paul Chocarne-Moreau. Girardot. Marcel Dieulafoy.

   Quatrième série : Albert Robida. William Turner Dannat. Mme Jeanne Clovis Hugues. Victor Peter. Navellier. Étienne Dinet. Eugène Chaperon. Georges Picard. Paul Avril. Mars. Guillaume Dubuffe. Job. Jacques Wély. Paul Chabas. Dr Alphonse Milne Edwards. Léon Lhermithe. René de Saint-Marceaux. Fernand Cormon. Jean Gardet. Gustave Toudouze. Weerts. Georges Cain. Bernard Boutet de Monvel. Pierre Franc-Lamy. Albert Robida. Lucien Simon. Victor Gilbert. Abel Truchet. Frédéric Régamey. Evert Van Muyden.

   Cinquième série : Raoul Verlet. Henri-Daniel-Casimir-Paul Thouroude dit Daniel de Losques. Henri de Sachy. Charles Pezeu-Carlopez. Herbert Ward. Paul Gasq. Albert Lynch. Louis Patriarche. Goussé. Francisque Poulbot. Kauffmann. Henri Zislin. Jean Jacques Waltz dit Hansi. Henri Jacquier. André Beaumont, aviateur dit (Lieut. Jean Conneau). JulesVédrines, aviateur. Maurice Tabuteau, aviateur. Alfred Leblanc, aviateur. Théophile Alexandre Steinlen. Fabiano. Maurice Albert Joseph Simon Lefebvre, dit Lefebvre-Lourdet ou Lourdey. Gabriele Galantara. Fillettes de l’Orphelinat des Arts. Enfants du professeur Stebbing. Georges Redon. Maurice Neumont. Maxime Mautra. Benjamin Rabier. Jean Boyer dit Moriss. Auguste Roubille.

   Cela étant Angelo Mariani réédite parfois certaines cartes postales en changeant la présentation. D’horizontale, elles se transforment en verticale. Ou inversement. Ce qui complique encore un peu plus la problématique du nombre de cartes postales Mariani réellement publié….Angelo Mariani pousse même le luxe de créer des enveloppes illustrées de son produit accompagnés de timbres qui eux n’avaient pas d’existence légale auprès du service postal.

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Timbre Mariani non officiel issu d’une publicité vers 1905.

   Cette idée de carte postale vantant la coca fut ensuite utilisée bien des années plus tard par d’autres comme en témoigne en 1979 par exemple la société Coged basée à Milan (Italie).

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Carte Postale, recto.

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Verso de la carte postale éditée en 1979.

   Aujourd’hui en cette fin d’année 2016, Christophe Mariani poursuit cette aventure en retenant là encore le choix d’un format Carte postale (9×14 cm), en hommage à Angelo Mariani afin d’annoncer officiellement la présentation et la dégustation du Vin Tonique Mariani 2016 qui succède à son mythique prédécesseur.

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Format Carte Postale recto 2016.

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Format Carte Postale verso 2016.

   Angelo Mariani l’a où il est, à coup sûr doit apprécier ce geste. Tout cela au final nous fait entrevoir une simple idée ? À quand la réalisation d’un timbre à l’effigie d’Angelo Mariani ? A.D

   Pour plus d’informations, on peut aller sur le très beau site : www.vinmariani.fr et parcourir le livre suivant :

livreangelomariani1.jpegAngelo Mariani : L’inventeur de la première boisson à la coca. Éditions Anima Corsa, juin 2014, Bastia. 5 boulevard Hyacinthe de Montera : 04 95 48 68 86.