Angelo Mariani en ce début de XXIe siècle est reconnu au niveau international comme étant, de manière bien involontaire, l’un des inspirateurs de la célèbre marque américaine : Coca-Cola. Qu’on en juge par ces quelques éléments iconographiques suivants :

Illustration issue du très beau livre de Bénédicte Jourgeaud : Coca-Cola une passion française. Edition du Cherche Midi, 2010.
Le breuvage lancé en 1885 par John Stith Pemberton ne peut d’ailleurs pas cacher ses origines : « Le vin français de coca, idéal pour les nerfs, tonique et stimulant ». Sa dénomination officielle étant : French Wine of coca, Ideal Tonic. Pour se différencier du produit français Mariani, Pemberton ajoute dans sa préparation une base issue de graines de kola. Il mélange du coup les multiples alcaloïdes de la coca avec ceux de la noix de kola. Persuadé de sa réussite, il déclare en mars 1885 qu’il « produit une meilleure préparation à celle de Mariani ».
Qui plus est au fil des années ce produit est devenu la marque commerciale là plus connue dans le monde et l’un des symboles du capitalisme. Et surtout l’emblème de la liberté du way of life américain. À ces occasions, on occulte le plus souvent de façon bien rapide, le fait qu’Angelo Mariani fut aussi et peut-être avant tout un mécène désintéressé. Comme le montre le fait d’avoir ressortir du néant par exemple un grand et jeune poète Corse : Charles Timoléon Pasqualini (13 janvier 1840-15 août 1866). Pour cela, il décidera seul de faire imprimer ses poésies en 1901 en exigeant une préface de Jules Clarétie, académicien, dans un ouvrage intitulé : Choses du siècle Choses du cœur (1). Même chose avec l’écrivain Armand Silvestre (18 avril 1837-19 février 1901). Ce dernier fit partie du tout premier cercle des amis d’Angelo Mariani. En juillet 1891, il apparaît dans la toute première pré-série des albums Mariani. En 1896, leur collaboration se poursuit. Armand Silvestre écrit un conte pour Mariani, illustré par Robida.
On les retrouve encore ensemble en 1897 dans l’atelier de Félix Nadar de la rue Nouailles à Marseille en compagnie du Docteur Louis Bourguignon et d’Antoine Lumière.

De gauche à droite, Félix Nadar, Armand Silvestre, Angelo Mariani, Antoine Lumière et Louis Bourguignon à Marseille en 1897. Dr Collection du Musée du vieux-Marseille.
Autre preuve de l’amitié d’Angelo Mariani envers Armand Silvestre. Il décide que ce dernier doit être présent dans son officine à Neuilly-sur-Seine. Au plafond, on remarque donc une toile d’Eugène Courboin intitulée : La déesse apportant la branche de coca à l’Europe. Armand Silvestre y est représenté. C’est sous la forme d’une allégorie à la coca que Mariani fait placer cette peinture au-dessus de son propre bureau (2).
À ce jour, on ne sait pas ce qu’est devenue cette œuvre patrimoniale. Gageons malgré tout que de jeunes futurs historien(ne)s corses se pencheront sur cette belle histoire et trouverons enfin réponses à ces questions.
Mieux Angelo Mariani va poursuivre et entretenir son amitié même après le décès de son ami. Il intervient financièrement pour réaliser un monument à sa gloire installé dans sa ville natale de Toulouse. En se basant sur la statuette de Rivière, un bronze à taille humaine est mis en place en 1904 aux jardins des plantes (3).
On note la présence du respectable Catulle Mendès qui a fait le déplacement depuis la capitale.
À Paris, en 1905, Angelo Mariani continue sa reconnaissance. Un autre groupe est monté afin de récolter de nouveaux fonds pour la création d’un buste là encore à la mémoire d’Armand Silvestre et établi par Antonin Mercié. C’est une colonne de marbre au bas de laquelle sont groupées des figures féminines.
Le 26 avril 1906, l’État offre même 4000 francs pour le comité du monument afin de clôturer le projet. Le 31 octobre 1906, au Cours la Reine, c’est l’inauguration. La cérémonie a eu lieue sous la présidence de M. Henri Dujardin-Beaumetz Sous-secrétaire d’État aux Beaux-Arts. Jules Clarétie remet sous la recommandation d’Angelo Mariani le monument à la Ville de Paris par le biais de M. Paul-Henri Chautard, président du Conseil municipal et député de la Seine (4). Tout cela sous les yeux de Mariani et de la célèbre journaliste Séverine. Angelo Mariani légèrement en retrait observe avec délectation la situation. Il sait maintenant quoi qu’il arrive que son ami l’écrivain Armand Silvestre restera ainsi dans la mémoire collective européenne. A.D.
(1) Nous reviendrons sur cet épisode dans un prochain texte en nous basant notamment sur les écrits de l’écrivain Corse Hyacinthe Yvia-Croce.
(2) La nouvelle revue, tome 13, mai-juin 1914, Angelo Mariani par Georges Régnal.
(3) 1942 : fondu sous le régime de Vichy. Remplacé en 1947 par la Femme au paon de Falguière. Puis Joseph Andrau en 1948 réalise un buste en pierre taillé qui est ensuite placé dans le jardin Pierre Goudouli, place du président Wilson toujours à Toulouse.
(4) Cette oeuvre n’est plus présente à Paris. On ignore qu’elle a été sa destination suivante.
Pour plus d’informations, Cf, le livre suivant :
Angelo Mariani : L’inventeur de la première boisson à la coca. Éditions Anima Corsa, juin 2014, Bastia. 5 boulevard Hyacinthe de Montera : 04 95 48 68 86.